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mardi 28 février 2006

Consensus et prise de décision

Étymologie

Consensus est un mot latin qui signifie « accord », « conformité de sentiments ». Il a été lexicalisé dans la langue française au XIXe siècle sous le sens de « large accord ». Le mot latin dissensus, bien qu'il ne soit pas lexicalisé en français (il n'apparaît pas dans les dictionnaires) est parfois utilisé pour designer soit l'échec d'une recherche de consensus, soit l'attitude qui consiste à vouloir opposer les différentes opinions sans chercher à les rapprocher.

Du fait du changement de sens récent qui fait du consensus une « simple » large majorité, on en vient à parler de « consensus absolu » ou de « consensus parfait » pour désigner un accord qui ne recueille aucune opposition.

Par ailleurs, la prononciation du mot est couramment fautive : on doit dire kɔ̃nsɛ̃sys (la deuxième syllabe se prononce sain) et non kɔ̃nsɑ̃sys.

Prise de décision par consensus

Il y a de nombreuses façons, pour un groupe, de prendre des décisions, et aucune d'elles n'est parfaite. La plupart d'entre nous ont été élevés dans une culture qui considère que la démocratie occidentale est la meilleure, et que le vote est le seul pouvoir qui peut servir aux gens. Il apparaît pourtant une grande désillusion quant aux potentiels de ce système pour une collégialité dans la prise de décision, et encore plus, à une plus grande échelle, pour changer quoi que ce soit dans le système. La démocratie devient le système qui permet soit d'élire un gouvernement, soit un exécutif ou comité de pilotage, qui prend toutes les décisions, et déçoit trop souvent.

Habituellement, lors d'un vote démocratique, à n'importe quelle échelle, une minorité importante est mécontente du résultat. Et même si cette minorité accepte la décision prise, parce qu'elle accepte la « règle du jeu », elle résistera activement ou essayera d'atténuer les conséquences de cette décision jusqu'à la prochaine opportunité de vote.

Le compromis est une autre méthode pour prendre une décision, habituellement par la négociation. Deux parties, ou plus, annoncent leur position respective et la changent petit à petit, par des concessions mesurées. La négociation peut conduire à une insatisfaction des deux parties, car personne n'est totalement satisfait.

A côté de ça, le consensus est un moyen de prendre une décision qui fait appel à la créativité de chacun. C'est un processus dans lequel aucune décision ne peut être prise tant que tous les participants ne l'acceptent. Ca peut être long à mettre en place, car le consensus est le produit patient de toutes les meilleures idées et volontés dans un groupe, dans un esprit de cohésion et d'équilibre. Les minorités sont entendues au cours du processus, et pas seulement à la fin : la décision est élaborée collectivement.

Mise en place du processus

Il y a de nombreuses façons pour trouver un consensus, mais nous vous proposons cette procédure simplifiée, pour comprendre les mécanismes.

  1. Le problème, ou la décision à prendre, est défini et nommé. Cette étape préliminaire aide à séparer la problématique à traiter des enjeux personnels.
  2. Faire fuser toutes les solutions possibles (brainstorming) pour résoudre le problème ou répondre à la question. Les écrire toutes, même les plus folles.
  3. Se réserver un moment dans le processus pour les questions diverses et la clarification de la situation.
  4. Discuter et débattre des propositions écrites, les modifier, les regrouper, et en faire une liste, la plus courte possible. Lesquelles sont les préférées du groupe ?
  5. Bien expliquer toutes les propositions, et leurs différences pour que tout le monde comprenne bien (on peut utiliser là l'ancienne méthode qui consiste à donner un temps égal à quelqu'un qui est pour et quelqu'un qui est contre la proposition pour s'exprimer).
  6. Discuter les « pour » et les « contre » de chaque proposition. Faire en sorte que chacun puisse s'exprimer (tour de table, petits groupes...).
  7. S'il y a une opposition majeure, recommencer au point 6. Il est parfois nécessaire de recommencer au point 4.
  8. S'il n'y a pas d'opposition majeure, faire état de la décision et voir s'il peut y avoir un accord.
  9. Reconnaître les objections mineures et incorporer des petits amendements.
  10. Discuter de la proposition, et vérifier le consensus.

Le droit de veto

Le droit de veto, détenu par chacun sur une proposition du reste du groupe, est la pierre angulaire de la méthode du consensus. La « permission » de chaque membre du groupe est indispensable pour prendre une décision, c'est pourquoi écouter et répondre à tous les participants et prendre en compte tous les avis devient la préoccupation du groupe dans son ensemble.

Ce qui fait que le résultat n'est pas seulement un groupe plus égalitaire, mais aussi un groupe plus « satisfait », dans lequel chaque membre a une chance de se sentir important au sein du groupe. Les responsabilités sont mieux partagées, les membres sont plus réceptifs aux autres, et l'envie de faire des choses ensemble est partagée. Le veto sur une proposition qui a demandé de longues discussions et une synthèse ardue est un acte sérieux. Il peut être fait en ayant bien pesé le pour et le contre, comme un ultime recours, sur des bases éthiques, ou à cause des conséquences qu'une décision peut avoir. Il peut aussi être fait à cause d'une émotion forte (peur, dégoût), mais en aucun cas à cause de préférences personnelles ou d'impulsions égocentriques.

Quand la prise de décision a fait son chemin, prenant en compte des opinions diverses, se modifiant, et que quelqu'un est toujours en désaccord avec la solution trouvée, il y a d'autres formes que le veto à envisager, qui ne contrent pas le processus. Par exemple, ne pas soutenir une décision : « Je ne ressens pas le besoin de ça, mais je peux quand même participer ». Ou encore rester réservé : « Je pense que ça peut être une erreur, mais je peux l'assumer ». Ou ne pas s'impliquer : « Je ne participerais pas, mais je n'empêcherais pas les autres de le faire ».

Dans certaines descriptions du processus de prise de décision par consensus, la notion existe que quelqu'un qui sent le besoin de faire un véto sur une proposition devrait envisager de se retirer du groupe, au moins pour un temps. Or, cette idée tend à l'inverse extrême du but de la méthode : plutôt que d'encourager l'inclusion des opinions et des souhaits de tous, ceux et celles qui ont une opinion minoritaires risquent de se sentir obligés de s'exclure du groupe. L'eventualité d'une exclusion du groupe est, pour certains, un mécanisme tout à fait opposé au principe d'inclusivité de la méthode de consensus, tendant à exclure ceux et celles qui sont non-conformistes, plutôt que d'encourager les critiques envers l'opinion majoritaire.

Les prises de décision par nombreuses communautés virtuelles, comme celles de la Wikipédia, souvent suivent ce type d'approche.

Liens externes

Source : Prise de décision par consensus et Consensus (Wikipedia).

lundi 20 février 2006

Publicité

La publicité est une stratégie d'incitation à la consommation ciblant un public particulier. L'objet consommable peut être matériel (bien, produit) ou immatériel (service, événement). La publicité se donne pour but de créer un besoin, de convaincre que le produit répond au besoin, et éventuellement qu'il le fait mieux que d'autres produits (publicité comparative). La publicité désigne aussi le canal par lequel cette incitation est délivrée : annonce dans un journal, spot publicitaire à la radio ou à la télévision, affiche sur la voie publique, etc. La publicité existe depuis plus de 150 ans sous forme d'affiche, de panneau publicitaire, etc...

La publicité se distingue de la propagande par sa finalité commerciale. La publicité modèle certains comportements sociaux qu'elle juge bon de propager dans la mesure ou elle permet la satisfaction du diffuseur.

Définition

La publicité est une forme de communication, dont le but est de fixer l'attention du consommateur sur un objet, et de l'inciter à adopter un comportement déterminé vis-à-vis de ce dernier. Elle peut concerner absolument n'importe quoi, par exemple :

  • un bien de consommation (nourriture, électroménager, etc.), un service (assurance, banque, tourisme, etc.). Le terme de réclame était traditionnellement appliqué à cette branche de la publicité, et il revient parfois
  • une personne, un groupe (par exemple un parti politique), ou encore un projet ou une action (organisation d'événement sportif, action caritative, etc.) : on parle alors de promotion — bien que pour les publicitaires, ce mot ait le sens particulier d'offre présentée comme avantageuse et à courte durée de vie, visant à provoquer un achat
  • un concept ou une information, officielle ou d'origine privée (associations, fondations, etc.), visant des changements de comportement ou la promotion de valeurs considérées comme positives ou bénéfiques au niveau de la société (mise en garde contre les drogues, promotion de l'environnement, etc.)

LA PUBLICITE MEDIA : on appelle publicité toute forme de communication interactive utilisant un support payant mis en place pour le compte d'un émetteur en tant que tel.

Pour atteindre ce but, la publicité a généralement très peu de temps et de moyens. Il lui faut donc presque simultanément capter l'attention, la retenir, et faire passer son message. En ce sens, la publicité pourrait être classée dans la catégorie des techniques de manipulation de la conscience, n'était son caractère parfaitement explicite. La déontologie publicitaire, et la réglementation, exigent donc que la publicité se présente comme telle, et non comme un spectacle ou comme une source d'information indépendante et fiable.

Aspects économiques de la publicité

La publicité est un aspect essentiel de la société de consommation. Mais quelle est sa fonction économique et commerciale réelle ? Son efficacité ? Cette dernière n'est pas si facile à mesurer, d'autant qu'une des fonctions de la publicité est de permettre au consommateur de rationaliser l'achat après coup, de lui économiser la mauvaise conscience consécutive au choix et à la dépense. Réalité économique et commerciale par essence, la publicité entend agir sur notre comportement en prenant appui sur nos représentations. Elle correspond à une tendance fondamentale de la société de consommation : créer la demande nécessaire pour une offre surabondante et innovante.

Opposition à la publicité

Au début du XXIe siècle, chaque français (par exemple : la situation est indentique dans les autres pays développés) est en moyenne soumis chaque jour à plus de sept mille messages publicitaires. Quelques individus et mouvements s’inquiètent de l’influence de ce phénomène sur notre société et militent contre celui-ci.

La critique s'exerce à trois niveaux distincts :

  • le contenu,
  • les abus,
  • l'existence.

Critique du contenu

La publicité a peu de temps pour agir, elle utilise donc des moyens criticables pour améliorer son efficacité.

D'abord, plutôt que de faire passer une idée, elle réveille une idée reçue. La publicité est donc le paradis des stéréotypes et des clichés les plus traditionnels : la femme (blonde) est à la cuisine, l'homme (blanc) au travail, et les enfants (joyeux) dans une maison confortable, avec juste une pincée d'exotisme sympathique.

Ensuite, elle utilise des sentiments et des instincts parmi les plus primaires, les plus communs. La publicité est donc le royaume des pin-up offertes et des mâles avantageux, des sentiments les plus forts, du sexe et de la mort.

Enfin, et paradoxalement, la publicité provoque. Car la quantité de publicité laisse peu de place pour s'associer aux sentiments les plus communs, tandis que le commanditaire peut souhaiter affirmer une image de la nouveauté et d'audace (technique ou artistique). Une publicité osée, détournant des symboles religieux ou assimilés ou bien n'hésitant pas à faire usage de violence peut être une publicité réussie en termes d'influence sur le public.

On comprend donc que, entre stéréotypes, sexe et violence, la publicité soit critiquée et même, parfois, condamnée en justice.

Sans oublier que la publicité, par définition, insiste sur les qualités d'un produit sans en souligner les défauts. La plupart des gens savent que la publicité est une forme de mensonge, ne serait-ce que par omission, et l'acceptent, soit qu'ils estiment pouvoir faire le tri, soit qu'ils s'en moquent dans la mesure où elle ne concerne pas des produits qui les intéressent, soit qu'ils considèrent la publicité comme une forme de spectacle.

Les abus

Comme toute activité, la publicité est soumise à une réglementation et à une déontologie.

Des organes publics ou privés se chargent de faire respecter leurs règles (la situation dépendant des pays). Il existe ainsi des organes de labélisation (publicité "pour tout public", par exemple), des organes de contrôle (dans les pays libres, ce contrôle s'exerce a posteriori pour ne pas prendre la forme d'une censure), et les tribunaux peuvent être saisis. Ce contrôle s'exerce sur le fond (pas "trop" de sexe ou de violence, par exemple) ou sur la forme (distinction claire entre ce qui est affiché comme étant de la publicité et le contenu à vocation informative, ludique, ou autre). Il peut également exister des réglementations de certains médias, qui n'existeraient pas sans publicité (les panneaux publicitaires, notamment).

Il arrive aussi que la réglementation ne soit pas appliquée et que les autorités dont c'est le rôle ne fassent pas preuve d'un grand zèle pour y remédier. Aussi des associations comme Paysages de France cherchent à limiter l’extension de la publicité au-delà de ce qui est permis par la loi, soit par le lobbying auprès des autorités, soit en estant directement en justice.

Critique de la publicité en tant que telle

Des mouvements (groupés sous le terme d’Antipub) considèrent la publicité comme néfaste en tant que telle, en sus des critiques de contenu qui sont inévitables.

  • La publicité distrairait au sens pascalien, c'est-à-dire qu’elle ferait perdre de vue des choses plus importantes.
  • Elle participerait d'un système économique vicieux, érigeant en norme sociale la consommation de biens inutiles voire dangereux, et des comportements compulsifs et sédentaires nuisibles en général à sa santé physique et mentale (qui devraient être ensuite pris en charge par de nouveaux produits ou par des services sociaux).
  • La publicité chercherait à manipuler l’esprit de celui qui la regarde ou l’écoute. Le dessinateur de presse Willem emploie l’expression « coloniser notre cerveau ». Cet argument est tout particulièrement dirigé contre les campagnes de positionnement des marques, dont le but est de graver le nom d'une marque dans l'esprit du consommateur, plutôt que de décrire les qualités du produit.
  • Le publicité contribue (et cela serait grave) à réduire l'importance des lecteurs pour les médias, dont l'essentiel voire la totalité des revenus (télé ou journaux gratuits), proviennent de la publicité. Le propos de Patrick Le Lay, PDG de la chaîne privée française TF1, fera date :
  • « Mon travail est de vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola » (les Dirigeants face au changement, Éditions du huitième jour, 2004).
  • La publicité donnerait l'avantage au commanditaire sur le consommateur : le consommateur recevrait passivement une information biaisée (la publicité), qui peut flatter ses intérêts et ses goûts mais qui le fait en fonction des intérêts du commanditaire, alors que des sondages et études de marché ou par son expérience, le vendeur détient une information claire et objective sur le comportement du consommateur, ses désirs, ses critères de choix etc.

Afin de faire passer leur message anti-pub, ces mouvements utilisent des méthodes publicitaires classiques : usage de stéréotypes et slogans, affichage, mobilisation par internet (publicité "virale"), propos et actions provocantes visant à obtenir du temps média offert gratuitement par des journalistes à la recherche de sensationnel etc. Il apparait donc que leur cible n'est pas la publicité au sens large (la propagande), dont ils usent sans complexe, mais seulement la publicité au sens strict (commerciale et libre), ce qui, a contrario, implique au moins une tolérance pour la propagande non commerciale ou contrôlée par une instance à leur convenance. Ces mouvements recrutent essentiellement à l'extrème-gauche.

Source : Wikipedia.

Réflexions

La publicité est une arme capable de changer nos comportements dans une certaine mesure. Il serait donc souhaitable qu'il y ait plus d'éthique dans la publicité en favorisant les messages vers un mieux-être social, environnemental et individuel.

Aujourd'hui, la publicité favorise davantage la consommation, et ce au détriment de notre futur (conséquences : déchets, pollution, maladies..). Elle privilégie une satisfaction de désirs immédiats au détriment de désirs plus durables et pourtant plus importants : la beauté du paysage, la bonne santé, etc.

Imaginons un instant combien de bienfaits, on pourrait accomplir en diffusant davantage de messages préservant notre environnement, en remerciant tel ou tel métier pour le bon travail effectué, en offrant une information objective sur les produits disponibles et utiles. Combien le monde serait plus heureux !

Serions-nous prêts à financer de telles actions ?

Un exemple nous ait déjà donné par la campagne Sans nature pas de futur ! de la Fondation Nicolat Hulot.

mercredi 15 février 2006

Violences urbaines

Source : Wikipedia.

Les violences urbaines sont des troubles à l'ordre public relativement graves qui voient la violence s'exprimer dans une ou plusieurs villes d'un ou plusieurs pays.

Tentative de définition

Emeutes raciales à Chicago en 1919
Des Blancs faisant la chasse aux Noirs pendant les émeutes à Chicago en 1919

Après que des émeutes raciales ont secoué les grandes villes américaines en 1968, le sociologue afro-américain Kenneth Clark a déclaré devant la commission Kerner réunie à la demande du Président Lyndon Baines Johnson : « Je lis ce rapport sur les émeutes de Chicago en 1919 et c'est comme si je lisais le rapport de la commission d'enquête sur les désordres à Harlem en 1935, le rapport de la commission d'enquête sur ceux de 1943, le rapport de la commission McCone sur les émeutes de Watts. Je dois sincèrement vous dire, Membres de la commission, qu'on se croirait dans Alice au pays des merveilles, avec le même film qu'on nous repasse éternellement : même analyse, mêmes recommandations, même inaction » 1.

Cette intervention déjà datée met en relief trois grandes caractéristiques de ce que l'on appelle les « violences urbaines » :

  • Leur ancienneté relative, en tout cas aux États-Unis d'Amérique.
  • Leur irruption sporadique à des périodes et dans des villes différentes.
  • L'incapacité apparente des pouvoirs publics à les comprendre, puis éventuellement à les combattre.

Si la première caractéristique devrait aider l'historien à les définir, elles apparaissent insaisissables au regard des deux autres, leur caractère éminemment éruptif et les errements supposés des autorités publiques cherchant à les circonscrire empêchent finalement de cerner précisément le problème. Pour contourner la difficulté de délimitation de l'objet et éviter d'avoir à prendre en compte le temps long dans leurs analyses, les auteurs ont par conséquent généralement recours à une définition limitée du phénomène qui ne correspond qu'à sa forme la plus récente, celle qu'il a prise ces dernières décennies, voire ces dernières années. Ainsi en est-il de Sophie Body-Gendrot, qui affirme notamment que le terme « violence urbaine » désigne « des actions faiblement organisées de "jeunes" agissant collectivement contre des biens et des personnes, en général liées aux institutions, sur des territoires disqualifiés ou défavorisés » 1. C'est la définition que nous pouvons retenir en sachant bien qu'elle est restrictive, et qu'elle tend par exemple à naturaliser des variables lourdes pesant sur les acteurs qui agissent violemment, notamment leur jeunesse, une variable qui n'est que peu questionnée par les spécialistes. C'est toutefois une définition efficace en ce sens que l'on ne peut pas non plus, pour des raisons de concision, prendre toute action violente perpétrée dans un cadre urbain pour une « violence urbaine », même si ce glissement est parfois nécessaire.

La ville comme lieu d'intériorisation et de refoulement de la violence

L'intériorisation de la violence par l'urbanisation

La violence en général recouvre une diversité de comportements ou d'actes individuels, interpersonnels ou même collectifs. D'une époque comme d'une société à l'autre, comme le rappelle Yves Michaud, les formes de violence employées et leur intensité ont beaucoup varié. On parlera par exemple aujourd'hui d'une « violence routière » ou d'une « insécurité routière ». Mais ce n'est pas tout, notre sensibilité à ces formes de violence elle-même a changé2. Selon l'auteur, elle s’est accrue. Ainsi, des comportements violents autrefois passés sous silence tels que la maltraitance infantile ou les violences conjugales sont aujourd'hui dénoncés : la mise à jour de la violence circulant dans la sphère familiale est ainsi particulièrement récente. Tout ceci explique, toujours selon Yves Michaud, l'extension de l'incrimination dans le droit pénal. Dans un même mouvement, le droit pénal pense de plus en plus la violence comme n'étant plus nécessairement proprement physique, ce qui s'y est traduit par le remplacement par la notion de « voies de fait » de la catégorie plus ancienne de « coups et blessures ».

Pour expliquer la sensibilisation accrue à la violence, on peut recourir à la célèbre théorie de la « civilisation des mœurs » selon laquelle l'Occident aurait connu à partir du Moyen Âge un long processus de polissage des mœurs : les conflits qui s'exprimaient dans des affrontements sanglants tendent de plus en plus à être intériorisés, par exemple via le sport3. Selon Norbert Elias, le promoteur de ladite théorie, cette évolution n'est pas imputable à un simple accroissement du self control, mais à sa généralisation à tous les secteurs de la vie publique ou privée sous l'effet de plusieurs facteurs tels que la scolarisation, la diffusion des codes de cour et, enfin, l'urbanisation. La ville est donc ici réputée à l'origine de l'intériorisation de sa violence par l'Homme : l'évolution au sein de masses lui a imposé plus de retenue dans ses actes.

Le refoulement de la violence à la marge des villes

Policiers australiens protégeant des Libanais
La police australienne utilise du gaz lacrymogène pendant les émeutes de Cronulla pour protéger les Libanais

À la suite de Norbert Elias, l'historien Jean-Claude Chesnais a souligné à son tour la baisse tendancielle de la violence dans les sociétés modernes en n'étudiant cependant que la violence proprement physique4. Mais d'autres théoriciens sont venus contredire cette idée à la suite des travaux que l'historien américain Tedd Gurr a réalisés dans les années 1970-1980, et qui interprètent la violence en terme de privation : elle se développerait lorsque l'élévation des aspirations des individus ne s'accompagne plus d'une amélioration comparable de leurs conditions de vie. C'est ce qui se serait produit dans les sociétés occidentales à partir des années 30, décennie au cours de laquelle Ted Gurr observe un retournement de tendance complet, c'est-à-dire désormais l'augmentation durable de la violence homicide, de la criminalité, des vols ou de la délinquance, selon une courbe en J. La thèse de Ted Gurr est parfois évoquée sous le nom de « théorie de la courbe en J » pour cette raison. En France, selon Sebastian Roché, cette montée continue s'observe à partir du milieu des années 50. Elle est par conséquent indépendante, selon lui, du contexte économique : « La délinquance en particulier augmente durant les années de reconstruction et de prospérité. Depuis le milieu des années 80, elle tend à stagner, et ce malgré l'augmentation du chômage de longue durée et les phénomènes d'exclusion »5. Même si ce schéma est lui-même contesté, il faut garder ces observations en tête pour l'étude des violences urbaines proprement dites, dont l'évolution est différente.

Auparavant, il nous faut rappeler qu'un des principes d'organisation de la ville a toujours été pensée comme le refoulement de la violence hors de ses murs, en opposition à la campagne alentour, une campagne considérée comme le lieu de toutes les jacqueries et de tous les pillages, une campagne où le mouvement de pacification a été très tardif6, ce qui explique d'ailleurs l'exode rural massif vers « la lueur libératrice de l'anonymat » des villes, selon l'expression de l'historienne Élisabeth Claverie. Il faut bien voir cependant que cet anonymat est ambivalent car il est aussi la condition d'existence de toutes sortes de trafics qui peuvent finalement contribuer à la violence de la ville.

Quoi qu’il en soit, comme le fait par exemple remarquer Michel Foucault dans Surveiller et punir, les grands complexes industriels européens ont été construits en lisière des villes pour prévenir les révoltes ouvrières. De même, aux États-Unis, les campus ont été bâtis hors des villes pour éloigner la menace étudiante... Aussi, lorsque la violence amorce une courbe en J après-guerre, consciemment ou non, les autorités vont décider de construire les grands ensembles où loger les populations les plus démunies en banlieue. Or, dans l'inconscient collectif, la banlieue est par excellence et depuis toujours le lieu en marge, celui qui accueillerait les « marginaux », les « barbares », autrement dit les « zoulous », pour reprendre un vocable idoine, les « sauvageons », pour reprendre un mot de Jean-Pierre Chevènement, la « racaille » pour reprendre Nicolas Sarkozy : dès le Moyen Âge, la banlieue est cet espace qui se situe à une lieue de la ville et où cesse de s'appliquer le ban, c'est-à-dire le pouvoir seigneurial, cet espace au-delà duquel on est banni, on ne fait plus partie de la Cité, et donc de la civilisation7... Les violences « urbaines » ne sont donc en fait le plus souvent que des violences périurbaines, en tout cas si l'on exclut de la définition les violences perpétrées au sein des manifestations qui revendiquent quant à elles logiquement une visibilité au cœur même du centre-ville : la violence se retrouve alors au cœur même de la ville du fait que cette dernière est le cœur du pouvoir politique à abattre. Pour le politique, qui est tenté de penser la violence comme contagieuse8, cette mise à l’écart pourrait finalement être heureuse.

La réapparition récente de la violence urbaine

L'apparition des violences urbaines et connexes

Une voiture brûlée en France en 2005

Malgré le refoulement, de tous temps, la ville a bien été le théâtre de violences. Ainsi, dans une missive adressée au maire de Londres en 1730, l'écrivain Daniel Defoe se plaint déjà que « les citoyens ne se sentent plus en sécurité dans leurs propres murs, ni même en passant dans les rues »9. Les « violences urbaines » telles qu'on les a définies apparaissent quant à elles tout à fait clairement aux États-Unis dans les années 60, en France au début des années 80, l'événement de référence demeurant, dans ce pays, les incidents de l'été 1981 aux Minguettes, un quartier de la banlieue est de l'agglomération lyonnaise à cheval sur trois communes où près de 250 voitures seront détruites par des "jeunes" en l'espace de deux mois. Par la suite, les autres incidents marquants en France seront ceux de Vaulx-en-Velin en 1990 et Sartrouville et Mantes-la-Jolie en 1991. Suite à ces incidents, les violences urbaines vont finir par être perpétrées de façon très régulière, à plus petite échelle, comme par exemple à Strasbourg lors des fêtes du Nouvel An, ou ailleurs, en Europe, après les matches de football : le hooliganisme ne se développe véritablement en Europe qu'à partir des années 80. Devenues quotidiennes, les violences urbaines prennent alors des formes diverses ; contre les biens ou contre les personnes, elles peuvent être physiques ou symboliques. Des éruptions plus amples se produisent à l'occasion. Ainsi en est-il fin 2005 partout en France.

Selon S. Body-Gendrot, au final, « la violence urbaine s'observe dans la plupart des sociétés modernes. Cependant, les manifestations comme les causes de cette violence varient d'une société à l'autre », donc « il est faux de croire que la violence urbaine à laquelle on assiste en France ne serait que la transposition de la situation que connaissent les États-Unis »10. « En France, la violence urbaine exprime davantage une perte de confiance dans les institutions », et celle-ci est d'autant plus forte que l'implication de ces institutions dans l'intégration a été traditionnellement importante. Elle vise surtout les équipements et les institutions publiques, et à travers eux, l'État et ses représentants. Comme le souligne Michel Kokoreff, les tags, par exemple, ne visent que peu les véhicules privés11.

Outre les vitrines des commerces, les trois cibles principales sont :

  • L'école12. Au cours de l'année scolaire 2002-2003, 72 507 cas de violences scolaires ont été recensés, dont 1581 violences physiques avec arme. Ce chiffre inclut également 21 003 violences physiques sans arme et 16 623 insultes ou menaces graves. Le racket compte pour 2,44 % des signalements, les violences à caractère sexuel pour 1,48 %. Pour tenter de résoudre ce problème, aux États-Unis, 39 % des académies emploient des détecteurs de métaux à l'entrée des établissements.
  • Les transports urbains, dont les fauteuils sont couramment lacérés, les vites gravées, les portes recouvertes de tags. La SNCF consacre à elle seule cinq millions d'euros annuellement au nettoyage de ces tags. Selon Sophie Body-Gendrot, « si aux États-Unis ce sont dans les parcs que les "jeunes" règlent leurs comptes, en région parisienne, ce sont les autobus qui sont l'objet d'affrontements » : « les "jeunes" perçoivent le bus comme leur appartenant, puisqu'il roule sur leur territoire ».
  • La police et les pompiers, régulièrement pris à partie ou caillassés, déplorant tous les jours des outrages à agent. Au final, le fait que les forces censées maintenir l'ordre soient ainsi parmi les premières visées incite assez paradoxalement à plaider en faveur de leur retrait partiel des zones sensibles, afin que l'ordre y soit sauvegardé. C'est une solution parfois utilisée en France, à l'inverse de ce qui se passe aux États-Unis, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, pays où l'humilité de la police est considérée comme une faiblesse qui accentue le mal. Dans ces pays, c'est en effet la théorie dite « de la vitre brisée » inspirée par les travaux du psychosociologue Philip Zimbardo dans les années 60 qui prédomine : « dans le cas où une vitre brisée n'est pas remplacée, toutes les autres vitres connaîtront le même sort ». Autrement dit, pour de nombreux spécialistes issus de ces pays, il faut renverser la thèse généralement admise, c'est-à-dire que ce n'est pas la dégradation du lien social qui est cause des incivilités, mais le comportement d'abandon des citoyens face à ces incivilités qui précipitent le délitement du lien social13.

Les causes de l'apparition des violences urbaines

Si les explosions de violences urbaines sont souvent déclenchées par des rumeurs de bavure policière ou par quelques abus d'autorité tels que des fouilles considérées comme injustifiées, les dégradations et agressions commises plus généralement par les "jeunes" dans l'espace de la ville ont plusieurs causes croisées qui deviennent souvent leur conséquence dans une série de cercles vicieux engendrant une paupérisation14 :

  • Une situation familiale critique telle que la monoparentalité. Cette dernière autoriserait le relâchement du contrôle parental sur les "jeunes", ce qui est d'autant plus critique en France qu'ils ne peuvent compter sur une surveillance efficace du voisinage ou de la communauté, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis.
  • L'échec scolaire, qui peut lui-même découler de la crise familiale. Ainsi, aujourd'hui, la violence telle qu'elle surgit dans les établissements scolaires trahirait un rejet de l'institution, surtout par les élèves en situation d'échec scolaire, qui lui reprochent les humiliations subies. Les difficultés scolaires et dans l'insertion professionnelle sont mal ressenties par la deuxième génération de l'immigration, qui aspirait à un meilleur statut que ses parents et peut trop rarement concrétiser cet espoir; ceux qui réussissent quittent le quartier. De fait, un certain nombre de chercheurs voient dans la massification des effectifs scolaires et dans la prolongation des études qui se sont opérées dans un contexte de chômage élevé les causes d'une perte de sens qui a engendré la violence accrue des quartiers, par exemple F. Dubet et A. Peralva.
Logements sociaux à Singapour
Logements sociaux à Singapour.
  • Le chômage, qui se nourrit lui-même de l'échec scolaire. S'il peut engendrer la violence, celle-ci le favorise en retour, en créant des discriminations territoriales à l'embauche, ou tout simplement en détruisant les biens qui servent à créer de la valeur, et donc des emplois. La stigmatisation du chômage en tant que source de la violence est cependant contestable, notamment parce qu'elle se fonde souvent sur la discrimination peut-être trop rapide de l'oisiveté, ce qui témoigne d'une certaine façon d'un renversement historique du principe selon lequel les classes laborieuses sont des classes dangereuses.
  • Le développement en conséquence d'une économie parallèle, comprenant notamment le trafic de drogues et le commerce de divers matériels volés. La concurrence entre bandes a favorisé un accroissement de la circulation d'armes.
  • L'absence de mobilité géographique des plus démunis. Elle tend à accentuer au fil des départs des plus fortunés une césure géographique inéluctable, éventuellement renforcée au quotidien par une faible desserte des transports publics. L'exiguïté des logements dans lesquels ils sont donc condamnés à vivre (éventuellement avec une famille nombreuse) pousse finalement les "jeunes" à tenter de s'approprier l'espace public le plus proche, à chercher à contrôler les grands espaces mitoyens comme la dalle ou les lieux de passage stratégiques comme les cages d'escalier ou les halls d'entrée. Une fois ces territoires acquis, ils opèrent à un véritable marquage, par exemple au moyen de tags, mais aussi d'un contrôle plus strict, par le biais de prélèvements illicites de biens publics ou privés, qu'ils appellent eux-mêmes « taxer », ce qui est un terme de droit financier qui renvoie au monopole étatique d'imposer. Par conséquent, il y aurait une influence de l'environnement immédiat sur la production de violence, et notamment de l'architecture urbaine telle que celle des grands ensembles, tours et autres barres des années 60 sur les "jeunes" qui y vivent.
  • Des pratiques dites déviantes telle que la toxicomanie15, pratique qui nécessite la mise en place de trafics dont la protection exige souvent le recours à la violence.
  • La consommation éventuelle de violence télévisuelle et de jeux vidéo violents.
  • L'absence d'influence politique16 et la sous-médiatisation17, qui contraignent au recours à la violence ceux qui veulent se faire entendre. La violence et la force ne sont alors qu'un répertoire d'action comme un autre mais qui présente l'avantage d'être mobilisable à tout instant.
  • Les conflits religieux, les replis communautaires et la montée possible de l'antisémitisme dans des cités qui seraient en cours d'islamisation, en tout cas en France.
  • La discrimination raciale et les rivalités ethniques qui y sont légion.

À ces explications classiques s'ajoutent des causes plus lourdes citées par Hugues Lagrange, des causes qui sont peut-être plus culturelles :

  • Une crise de la masculinité, qui est elle-même liée à la mécanisation du travail qui a dévalorisé la force physique18. Elle favorise les violences sexuelles, ou en tout cas la misogynie, sachant que les pays d'origine des "jeunes" immigrés violents seraient déjà peu traversés par les idéaux féministes. Violence et virilité sont ici associées. Les "jeunes" femmes, victimes de nombreuses atteintes à leur liberté de choix, ont obtenu une reconnaissance médiatique avec Ni putes ni soumises.
  • Dans les pays d'où sont originaires les immigrés violents, « la rupture des chaînes de la vengeance n'a pas été sécularisée », contrairement à ce qui s'est passé dans les pays de tradition chrétienne comme la France selon La Violence et le sacré de René Girard. Dans la culture méditerranéenne, par exemple, le conflit interindividuel ne saurait ainsi se régler de façon médiate par le truchement de la justice. Or, cette culture se fonde sur une définition extensive du « respect » mutuel ou encore de l'honneur, et ceux-ci apparaissent donc souillés relativement souvent. La violence immédiate surgit donc très rapidement. De ce point de vue, selon Hugues Lagrange, la violence est une quête de reconnaissance qu'il ne faut pas sous-estimer : « La violence implique une quête de légitimité qui lui est essentielle. On ne fait violence qu'à ce qui a le caractère de l'être organisé, en brisant un verre pas en cassant un rocher. C'est en anéantissant une autre intention — celle qui a fait le verre — que la violence cherche à se faire reconnaître comme anticréatio' ».

Au final, en France, selon le même auteur, « les valeurs des "jeunes" qui vivent dans les quartiers de relégation participent d'un syncrétisme qu'on a parfois du mal à saisir : mélange d'individualisme consumériste et de comportements grégaires et clanistes fondés sur la défense du territoire et l'honneur du groupe. Ce syncrétisme tourne le dos à la fois à la culture modeste, patiente, souvent résignée, des immigrants, notamment maghrébins, et aux valeurs anticonsuméristes, voire idéalistes, portées par une fraction de la jeunesse issue des classes moyennes ». En fait, selon d'autres auteurs, ils disposeraient bien d'une culture spécifique qui a émergé récemment, la culture hip-hop19, qui dispose de ses propres codes. El le paradoxe apparent qui fait que cette culture semble s'acharner à détruire son propre cadre de vie ne serait pas insurmontable. Selon Sophie Body-Gendrot, « ce vandalisme institutionnel n'est pas nouveau. Il peut participer d'un « marchandage collectif par l'émeute »20, à l'image des opérations de sabotage que menaient les ouvriers au siècle passé pour faire pression sur le patronat ».

La difficulté de proposer une réponse publique

Les difficultés d'intervention face à la violence urbaine elle-même

Dans la mesure où l'État se définit dans le sens weberien comme une entreprise de monopolisation de la violence physique légitime, l'irruption de « violences urbaines » est particulièrement grave du point de vue du politique : elle remet en question la capacité de l'instance étatique à défendre les citoyens, laquelle est la base du pacte social, sa promesse. Ceci est d'autant plus vrai que le monopole de la violence par l'État serait attaqué de tous les côtés. Ainsi, selon Sebastian Roché, l'augmentation de la violence que l'on connaît depuis l'après-guerre n'est pas imputable à une catégorie particulière d'individus, mais à la généralisation des comportements agressifs dans les différentes couches de la population. Selon lui, des observations ont par exemple relevé que de bons élèves pratiquent aussi le racket à l'extérieur de l'école.

Selon le politologue, l'État devrait donc apporter une réponse nette au problème de la violence des villes s'il veut rester crédible. La solution oscille tantôt entre répression et prévention, avec, en France, un accent fort sur la seconde, en tout cas jusque récemment. Elle nécessite en tout cas l'intervention d'une justice forte. Or, en France, comme le fait remarquer Yves Michaud, la violence est une notion très peu utilisée par les juristes car assez mal définie aux articles 309, 310 et 311 du Code pénal. Elle nécessite aussi, en tant que politique publique, une évaluation efficace, ce qui signifie un outil statistique efficace. Or, celui-ci poserait problème, notamment parce qu'il est utilisé par ceux-là mêmes qui ont intérêt à le manipuler, les policiers et le ministère de l'Intérieur21. Il pose également un problème s'il n'est pas stable dans le temps, comme par exemple si on remplace subrepticement, comme récemment en France, l'observation du nombre de plaintes déposées par le taux d'élucidation des enquêtes qui ont suivi.

Ces problèmes peuvent être contournés par l'introduction d'analyses qualitatives des formes de violence urbaine et de leur répression, dans le cadre de programmes spécifiques. Mais toutes les violences ne sont pas quantifiables. Aussi, depuis quelques années, des enquêtes de victimisation sont réalisées pour mieux appréhender qualitativement les phénomènes de violence. Elles consistent à interroger les personnes sur les incidents dont elles auraient été victimes et qu'elles ont ou non déclarés à la police. Ces enquêtes existent de longue date aux États-Unis, et depuis peu en France, dans le cadre de l’International Crime of Victimization Survey.

En tout cas, plusieurs arguments s'opposent ici à l'idée d'une augmentation récente des violences urbaines, comme par exemple le manque de fiabilité ou l'existence de biais statistiques, le fait qu'une augmentation peut traduire une simple amélioration du recueil des plaintes par la police, ou même une sensibilité plus grande des individus à la violence, qui les inclinerait à porter plainte plus facilement. On signale aussi que les chiffres restent des moyennes qui peuvent masquer d'importantes disparités géographiques et sociales. En fait, plus qu'à une augmentation de la violence, c'est à une diversification des victimes et des institutions visées à laquelle on assisterait.

En général, actuellement, la lutte contre les « violences urbaines » prend plusieurs formes :

  • Le renforcement de la présence policière dans les zones sensibles par une redistribution des forces vers celles-ci, qui sont elles-mêmes redéfinies22, deux mouvements qui peuvent d'ailleurs accentuer involontairement la déstructuration des espaces visés ou le sentiment de déstructuration. Le meilleur équipement des policiers qui les accompagne pourrait quant à lui faire craindre aux "jeunes" un renforcement du contrôle pesant déjà sur eux. Rappelons à ce propos à la suite de Michel Foucault que la délinquance n'est qu'un construit de nos sociétés qui remplace d'anciennes formes d'illégalismes qui ne pouvaient pas, quant à elles, être contrôlées à distance, de loin. Ce construit s'opère par le biais de la mise en œuvre de nouveaux moyens techniques et technologiques de surveillance. Aujourd'hui, la majorité des fauteurs de trouble éventuellement interpellés après des incidents sont déjà « connus » de la police auparavant.
  • Des tentatives de discrimination positive en faveur des quartiers sensibles. Dans un article du Monde daté du 18 novembre 2003, Jean-Louis Borloo alors ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine en France déclarait : « La spécificité française aujourd'hui en Europe, c'est que l'arrogance républicaine nous a fait passer directement à la case « ghetto », sans passer par la case communautaire que rejettent les principes de notre République. Cette ghettoïsation favorise les haines, bien plus qu'un système communautaire ».
  • Le renouvellement urbain, plus ou moins important selon les pays. En 2003, l'effort total de la France en faveur de la politique de la ville et du développement social urbain ne représente que 5,7 milliards d’euros, soit 0,36 % du PIB. Pour comparaison, l'Allemagne a consacré chaque année 3,5% de son PIB à la réunification et au renouvellement urbain qu'elle impliquait pendant dix ans.

Le choix de lutter contre les effets des violences, notamment le sentiment d'insécurité

Contrairement aux autres types de violences civiles, les « violences urbaines » ont des effets au-delà de leurs victimes directes. Comme le mentionne Yves Michaud, notre relation à la réalité violente ne passe en effet que pour partie par l'expérience directe que nous en avons : elle passe aussi désormais par les témoignages et les informations que nous recevons, notamment par les médias, mais aussi par les entreprises de sécurité qui ont elles aussi grand intérêt à accentuer notre perception de la violence, car la sécurité représente un marché conséquent. Ainsi se crée cette situation paradoxale dans laquelle peu de personnes affirmant ressentir l'insécurité ambiante ont elles-mêmes été agressées. C'est ce que l'on appelle le sentiment d'insécurité. Pour les uns, un tel sentiment est d'abord le produit de fantasmes, en contradiction avec la baisse tendancielle de la violence dans les sociétés modernes. Pour d'autres, tels Sebastian Roché, il traduit au contraire une augmentation effective de la délinquance et de la criminalité, ainsi que d'un phénomène peu pris en considération il y a quelques années : les incivilités23, dont l'étude n'a commencé en France que dans les années 1990, après les États-Unis dans les années 70. La difficulté vient de ce que les statistiques ignorent les incivilités légales tels que les impolitesses, etc. : elles ne s'intéressent qu'aux incivilités illicites.

Des Marines contrôlant une émeute
Des Marines formés pour lutter contre des émeutiers dans l'Ohio

Du point de vue du politique, dans la mesure où il touche les masses, le sentiment d'insécurité lié aux violences urbaines est peut-être plus important que les violences et dégradations urbaines elles-mêmes, car il est la véritable force qui détermine le vote sécuritaire, au-delà de la violence réelle. Le politique cherche donc à le mesurer, puis éventuellement à le faire reculer lui aussi, ce qui peut engendrer des problèmes complexes : faut-il placer les forces de police là où l'on en a vraiment besoin au risque de faire craindre un abandon au reste de la population, ou au contraire les concentrer là où elles ne jouent qu'un rôle symbolique au risque que la situation des quartiers abandonnés devienne incontrôlable en leur absence relative ? En bref, la lutte contre les violences urbaines engage donc deux curseurs dont les mouvements sont partiellement liés, mais partiellement seulement, le premier étant celui de la violence réelle, le second de la violence ressentie. En se fondant par exemple sur la démocratie de proximité, la politique publique de lutte contre les violences urbaines idéale serait donc un mélange d'action et de représentation qui serait condamnée à ne réussir que partiellement.

Conclusion

Comme l'affirme Yves Michaud, « la plupart des sociétés comportent des sous-groupes, dont le niveau de violence est sans commune mesure avec celui de la société ou, du moins, avec les évaluations communes qui y prédominent : tel est le cas des groupes militaires, des gangs de "jeunes" ou des équipes sportives ». Tel est aussi le cas des "jeunes" qui produisent la violence urbaine telle que définie plus haut. Dans les groupes que ces "jeunes" forment, la violence serait même la norme : il y serait bien vu d'avoir fait de la prison. Ce passage crédibiliserait un individu et, ce faisant, lui permettrait de ne plus avoir recours à la violence physique directe pour être respecté. Dans ces conditions d'inversion de la norme, même les luttes de pouvoir entre les "jeunes" d'un même groupe sont des luttes violentes, et cela a d'énormes conséquences sur leur espace environnant, qui est aussi celui des tiers : sur la ville, sur son mobilier urbain, sur les transports urbains, etc.

En tant que victimes directes ou indirectes de ces violences, les tiers souffrent souvent bien moins de la douleur infligée que de leur incapacité à réagir de façon appropriée à la violence qui l'inflige, c’est-à-dire en fait, le plus souvent, par la violence. Ainsi, une grande partie des traumatismes dont ils souffrent après avoir été agressés d'une manière ou d'une autre relève en fait de leur extrême loyalisme à l'égard de l'État, lequel leur enjoint de ne pas céder à la violence même quand celle-ci s'impose à eux. Ils peuvent dès lors exiger des autorités en retour à ce qu'ils ressentent comme un sacrifice une reconnaissance qui puisse les instituer en tant que victimes, victimes éventuellement qualifiées pour parler et agir contre la source de la violence qui les a atteints. Ce serait là l'ultime défi que posent les violences urbaines aux pouvoirs publics. En dégradant le cadre de vie de tous, elles transformeraient chacun en producteur de doléances auxquelles les autorités devront tôt ou tard répondre si elles ne veulent pas perdre la confiance des citoyens ou leur obéissance.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Hugues Bazin, La Culture hip-hop, Desclée de Brouwer, 1995 (ISBN 2220036472) ;
  • Sophie Body-Gendrot, « L'Insécurité. Un enjeu majeur pour les villes », in Sciences Humaines, décembre 1998 ;
  • Jacques Donzelot avec Catherine Mevel et Anne Wievekens, Faire société : la politique de la ville aux Etats-Unis et en France, Seuil, coll. « La Couleur des idées », Paris, 2003 (ISBN 2-02-057327-X) ;
  • Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Calmann-Lévy, coll. « Agora », 1973 (ISBN 2266131044) ;
  • Hugues Lagrange, « La Pacification des mœurs et ses limites. Violence, chômage et crise de la masculinité », in Esprit, décembre 1998 ;
  • Yves Michaud, « La Violence. Une question de normes », in Sciences Humaines, décembre 1998 ;
  • Laurent Mucchielli, Violence et insécurité, Paris, La Découverte ;
  • Xavier Raufer et Alain Bauer, Violences et insécurité urbaines, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1998-2003 ;
  • Sebastian Roché, Sociologie politique de l'insécurité, PUF, Coll. « Quadrige », 2004 (ISBN 2130537049).

Liens externes

Notes

  1. ^ 1,1 1,2

    Cité par Sophie Body-Gendrot, « L'insécurité. Un enjeu majeur pour les villes », in Sciences Humaines n° 89, décembre 1998.

  2. ^ Dans son article intitulé « La violence. Une question de normes » paru dans la revue Sciences Humaines n° 89 de décembre 1998, Yves Michaud affirme ainsi : « Pour définir la violence nous devons tenir compte des normes qui nous font voir comme violentes ou non certaines actions et situations. Ces normes, ou en tout cas un certain nombre d'entre elles, varient historiquement et culturellement ».
  3. ^ Norbert Elias et Eric Dunning, Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Fayard, Coll. « Agora », 1994.
  4. ^ Jean-Claude Chesnais, Histoire de la violence, Robert Laffont, Coll. « Pluriel », 1981.
  5. ^ Cité dans un entretien paru dans Sciences Humaines n° 89, décembre 1998. Selon Sebastian Roché, « ces évolutions pourraient résulter d'un phénomène insuffisamment pris en compte par Elias, à savoir la disjonction des scènes sociales où sont appelés à évoluer les individus. Ceux-ci sont en effet amenés à passer d'un statut à l'autre, comme d'une situation familiale ou professionnelle à une autre. La rationalisation du contrôle des pulsions est alors à géométrie variable ».
  6. ^ Selon la plupart des historiens, il faut attendre les XVIIIe et XIX e siècles pour assister à une lente décrue de la violence en général et de la criminalité en particulier dans les campagnes. Sur ce thème, voir notamment Robert Muchembled, La Violence au village, Brepols, 1989.
  7. ^ Dans l'imaginaire occidental, la ville est au cœur de la civilisation. L'irruption sporadique de la violence en son sein est donc particulièrement subversive et donc inquiétante.
  8. ^ De tous temps, la violence a fait l'objet d'études épidémiologiques, lesquelles concluaient le plus souvent à tort ou à raison que les individus qui déclenchent les incidents violents sont généralement extérieurs à l'institution où ils se produisent. Ainsi, on signale souvent que les violences scolaires sont provoquées par des éléments extérieurs à l'école ou au collège cible. Certaines études ont amendé cette conclusion qui vise aussi à rassurer les personnes « innocentes » au sein de ces établissements.
  9. ^ Cité par J. Benyon et J. Solomos in The Roots of Urban Unrest, Oxford, 1987.
  10. ^ Sophie Body-Gendrot tient ce résultat d'enquêtes de terrain comparatives menées dans différents pays, auprès des acteurs locaux : policiers, magistrats, travailleurs sociaux, habitants. En Amérique du Nord, les problèmes de violence urbaine se mesurent selon elle davantage en homicides, massacres et émeutes de grande ampleur. Finalement, dans cette région du monde, « les conflits urbains qui ont caractérisé la fin des années 60 et le début des années 70 se sont résolus par la mobilité des habitants » : selon elle, le fait que les trois quarts des Américains blancs n'habitent plus les centres-villes où vivent une majorité de Noirs et de Latinos réduit logiquement la conflictualité sociale dans ces quartiers.
  11. ^ Attention, cependant, pas moins de 18 000 voitures ont été brûlés en France en 2002, essentiellement des véhicules privés. Il n'y a pourtant pas eu cette année-là d'événement particulier tel que celui survenu en 2005.
  12. ^ Comme le souligne Jean-Pierre Bonafé-Schmitt cité dans un article du Monde daté du 11 juin 1998, « il y a toujours eu des violences à l'école, mais elles n'ont plus l'aspect initiatique qu'elles avaient autrefoi », par exemple via le bizutage.
  13. ^ Cette troisième grande théorie sur la violence a été popularisée par J. Q. Wilson et G. L. Kelling dans un article paru en 1982 sous le titre « Broken Windows », traduit dans Les Cahiers de la sécurité intérieure n° 15, du 1er trimestre 1994. Depuis, cette théorie a été étayée par Skogan in Desorder and Decline : Crime and the Spiral of Decay in American Neighbourhoods, The Free Press, 1990.
  14. ^ Le 5 novembre 2003, en France, le Conseil d'analyse économique a rendu public un rapport décrivant les mécanismes de ségrégation urbaine qui peuvent conduire à une « dislocation de la cité ». Selon ses auteurs Jean-Paul Fitoussi, Eloi Laurent et Joël Maurice, l'écart de richesse se creuse entre les communes riches et les banlieues déshéritées. À Grigny ou La Courneuve, en banlieue parisienne, le revenu moyen des foyers fiscaux s'est par exemple contracté de 15 % en douze ans.
  15. ^ Comme le remarque Hugues Lagrange dans un article intitulé « La Pacification des mœurs et ses limites », paru dans Esprit en 1998, les délinquants sont majoritairement des hommes entre 15 et 35 ans, âge de la vie où l'incidence de la toxicomanie est la plus forte.
  16. ^ Pour Peter Bachrach et Morton S. Baratz, les violences urbaines seraient le bulletin de vote du pauvre.
  17. ^ Certains estiment qu'on devrait plus exactement parler de surmédiatisation de la banlieue, mais négative, notamment dans les faits divers.
  18. ^ « Une fraction des "jeunes" hommes se trouve prise sous le feu croisé de la crise du rapport de domination masculine, dont témoigne le recul de la primo-nuptialité, et du déficit d'espoir d'accéder à un statut professionnel suscité par la récession. Ils sont redondants, pas simplement surnuméraires mais en quelques sorte superflus ». « C'est là qu'une quête de reconnaissance s'insère, dont la violence est porteuse, dont la violence sexuelle est aussi le moyen. Le viol assure son auteur, certes d'une manière dévoyée, qu'il est porteur du principe masculin ».
  19. ^ Pour un compte-rendu positif, voir Hugues Bazin, La Culture hip-hop, Desclée de Brouwer, 1995.
  20. ^ L'expression est d'Eric Hobsbawm.
  21. ^ S'agissant de la criminalité, la statistique des Comptes de la Justice n'existe en France que depuis 1825, date à partir de laquelle on peut suivre l'évolution annuelle des crimes et délits. Pour les périodes antérieures, on a recours aux archives dans ce pays.
  22. ^ Il existe en France plusieurs types de zonages. Il y a par exemple 750 « zones urbaines sensibles », à distinguer des zones qui relèvent d'un contrat local de sécurité, contrat dont la mise en œuvre a été définie par une circulaire interministérielle du 28 octobre 1987.
  23. ^ « En fait, incivilité, sentiment d'insécurité et violence sont liés. Plus d'incivilités, c'est plus de sentiment d'insécurité, plus de défiance à l'égard des institutions et, à terme, plus de délinquances ». Yves Michaud le confirme : « Une grande partie de la violence que ressentent les habitants des zones urbaines tient aujourd'hui aux atteintes à la propriété, au vandalisme quotidien, aux incivilités qui gâchent la vie (insultes, menaces, bruits, petits larcins, mendicité agressive) ».

lundi 6 février 2006

Karma

Karma signifie acte, action en sanskrit (कर्म) (tibétain : las, pâli : kamma, birman : kan, japonais : rinne, gô).

Pour les hindouistes et les bouddhistes, la loi du karma - ou loi des actes - affirme que toute action (du corps, de la parole et de l'esprit, c'est-à-dire tout acte, toute parole et toute pensée) a un ensemble de causes et des conséquences. Rien n'est dû au hasard ou à une intervention divine, mais à l'interaction de multiples causes ou facteurs, qui la plupart du temps nous échappent. Ceci est bien sûr uniquement valable dans le saṃsāra, notre monde habituel. Les êtres éveillés sont allés au-delà de la dualité et peuvent poser des actes qui ne sont plus assujettis à la loi du karma.

Une acception courante, mais erronée du mot karma est fatalité ou destin. « C'est ton karma », tu n'y peux rien ! Or aucune situation n'est inéluctable, car de nouvelles causes peuvent modifier les conséquences de nos actes passés.

On parle aussi de karma collectif (d'un groupe, d'une nation) : l'avenir de ce groupe dépend des actes passés de ses membres. Il est très fréquent que nous nous réincarnions auprès d'êtres auxquels nous sommes attachés. La loi du karma peut également s'étendre au long des renaissances successives. On dit que nous avons eu tellement d'incarnations que tous les êtres ont été notre mère dans une vie donnée...

L'idée du karma insiste sur notre responsabilité, à tout instant, face à tous nos actes, pensées, paroles. Nous créons les causes de tout ce qui arrive (en fait, notre esprit crée tout). Chaque acte, pensée ou parole a une conséquence. Un acte positif a des conséquences positives. Un acte négatif engendre de la souffrance. Les bouddhistes sont non-violents et respectent toute forme de vie, y compris animale. Nous devons prendre du recul, regarder le monde qui nous entoure en mettant de l’espace. L’observation de la souffrance des êtres (humains ou non) doit être une occasion de voir s’élever la compassion. La biche est un symbole traditionnel de la compassion. Parce que, justement, la biche se cache des chasseurs pour qu'ils ne risquent pas de commettre un acte négatif en la tuant. La biche évite aux chasseurs de se créer un karma négatif !

Différentes traditions, différentes interprétations

L'interprétation de la notion de karma varie entre les traditions qui l'utilisent :

  • Pour les bouddhistes, le karma que l'on crée en agissant, que ce soit avec le corps, la parôle ou l'esprit, est essentiellement favorable ou défavorable, positif ou négatif (kusala ou akusala en sanskrit ; ces termes n'ont pas de traduction exacte en français) en fonction de l'état d'esprit qui sous-tend l'action. C'est le seul critère. Par exemple, si l'on donne quelque chose à quelqu'un de manière désintéressée, on crée du karma positif. Ce n'est pas le cas, en revanche, si l'on donne parce que l'on attend quelque chose en retour. Enfin, le karma créé peut donner ses fruits dans cette vie ou dans une vie future.
  • Pour les jaïnistes, l'action est le seul critère, et l'état d'esprit la sous-tendant n'entre pas en compte. C'est pour cela, par exemple, que les jaïnistes portent souvent des masques filtrants ; faisant cela, ils évitent de tuer des insectes en les avalant par inadvertance.
  • Pour les hindouistes, les actions ont des conséquences karmiques en fonction de l'état d'esprit dans lequel elles sont faites, comme pour les bouddhistes, mais on peut cependant dire que pour les hindouistes le karma ne porte ses fruits que dans les vies futures, et en fonction d'une volonté divine. Du fait du système des castes, il est impossible à un hindouiste de s'élever dans cette vie-ci plus haut que le niveau spirituel (et social, incidemment) dans lequel il est né. Son seul espoir est de créer autant de karma positif que possible avec l'espoir de se réincarner dans une caste plus élevée dans une vie future.

Karma yoga

Le karma yoga est la pratique du service désintéressé. En offrant sans attente de retour un service, de son temps, de ses compétences, le karma yogi espère atténuer les conséquences de ses actions mauvaises passées sur son présent et son avenir, tout en contribuant à l'amélioration du monde.

Source : Karma et Karma yoga de Wikipedia.

Les quatre vertus cardinales

Les vertus cardinales sont au nombre de quatre :

  • la prudence, qui dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance le véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir ;
  • la tempérance, qui assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de l’honnêteté, procurant l’équilibre dans l’usage des biens ;
  • la force, c'est-à-dire le courage, qui assure dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien, affermissant la résolution de résister aux tentations et de surmonter les obstacles dans la vie morale ;
  • la justice, qui consiste dans la constante et ferme volonté de donner à chacun ce qui lui est dû.

Ces vertus jouent un rôle charnière (d'où leur nom de "cardinales", du latin "cardo", charnière, pivot) dans l'agir humain et parmi les autres vertus. Les vertus sont des attitudes fermes, des dispositions stables, des perfections habituelles de l’intelligence et de la volonté qui règlent les actes, ordonnent les passions et guident la conduite. Elles procurent facilité, maîtrise et joie pour mener une vie moralement bonne. L’homme vertueux, c’est celui qui librement pratique le bien.

Ce groupe de quatre vertus est mis en évidence par Platon, suivi par Aristote et par les philosophes stoïciens. Il est également connu dans le judaïsme hellénisé (Philon d'Alexandrie ; IVe livre des Maccabées) et chez les Pères de l'Eglise.

On le trouve dans un livre grec de l'Ancien Testament, le livre de la Sagesse (8,7) : "Aime-t-on la rectitude ? Les vertus sont les fruits de ses travaux, car elle enseigne tempérance et prudence, justice et force."

Définitions des vertus cardinales

La prudence

Elle est considérée comme la reine des vertus, pour sa capacité à mettre une juste proportion entre moyens et fins.

La prudence est pour l'homme vertueux, son sens de l'action. Il doit agir mais en évaluant toutes les conséquences de ses gestes. Il doit peser le pour et le contre avant d'agir. La prudence ne doit pas être considérée comme de la peur, qui elle mène à l'inaction et l'immobilisme, ou au contraire à une plus grande activité. La prudence est un prélude à l'action.

Source : Wikipedia

La tempérance

La vertu de tempérance est liée aux trois autres vertus cardinales : on ne peut être vraiment prudent, ni vraiment juste, ni vraiment fort, si l'on ne possède pas aussi la vertu de tempérance. Cette vertu conditionne indirectement toutes les autres vertus - mais toutes les autres vertus sont indispensables pour que l'homme soit tempérant (ou sobre).

Le terme de tempérance semble se rapporter en quelque sorte à ce qui est hors de l'homme (nourriture, boisson, etc.) Cette référence à des éléments extérieurs à l'homme a son fondement dans l'homme. La vertu de tempérance permet à chaque homme de faire triompher son "moi supérieur" sur son "moi inférieur". Cette maîtrise met en valeur le corps. La vertu de tempérance fait en sorte que le corps et nos sens trouvent la juste place qui leur revient dans l'être humain. Possède la vertu de tempérance celui qui sait se maîtriser, celui qui ne permet pas à ses passions de l'emporter sur la raison, sur la volonté et aussi sur le cœur.

Cette vertu est appelée aussi sobriété. Cette humilité est nécessaire à l'harmonie intérieure de l'homme, à sa beauté intérieure - et à sa santé (psychique et physique).

Source : Wikipedia

La force

Posséder la vertu de force, c'est surmonter la faiblesse humaine et surtout la peur. L'homme, de par sa nature, est enclin à craindre le danger, les malheurs, la souffrance. C'est par excellence la vertu des "héros". Ils vont au-delà de leurs limites pour le bien d'autrui ou pour rendre témoignage à la vérité et à la justice. La vertu de force va de pair avec le sacrifice.

Source : Wikipedia

La justice

D'un point de vue moral, la justice est parfois définie comme le fait de donner à chacun ce qu'il mérite.

Source : Wikipedia

Vertus cardinales et vertus théologales

Dans le christianisme, ce groupe de quatre vertus humaines, cardinales, est complété par trois vertus "théologales" (foi, espérance et charité) qui les rendent plus parfaites. Leur ensemble est parfois appelé celui des sept vertus catholiques.

Dans la perspective chrétienne, les vertus humaines acquises par l’éducation, par des actes délibérés et par une persévérance toujours reprise dans l’effort, sont purifiées et élevées par la grâce divine. Avec l’aide de Dieu, elles forgent le caractère et donnent aisance dans la pratique du bien. L’homme vertueux est heureux de les pratiquer. Les vertus sont les fruits et les germes des actes moralement bons ; elles disposent toutes les puissances de l’être humain à communier à l’amour divin.

Vertu cardinale, la justice est appelée "vertu de religion" quand il s'agit de justice envers Dieu.

Histoire de l'art - attributs des vertus théologales

Dans les œuvres d'art du Moyen-Âge et de la Renaissance, les vertus sont généralement représentées sous les traits de femmes.

Leurs attributs respectifs sont par exemple :

  • Pour la prudence : miroir et serpent,
  • Pour la tempérance : deux récipients avec l'eau passant de l'un à l'autre,
  • Pour la force : glaive,
  • Pour la justice : balance.

Source : Wikipedia