La dégradation d'Alfred Dreyfus
L'affaire Dreyfus ou l'Affaire est une affaire d'espionnage devenue politique qui a provoqué l'une des crises majeures de la Troisième République française sous laquelle elle se déroule. Elle porte le nom de son principal protagoniste, le capitaine Alfred Dreyfus, injustement accusé.
L'histoire
En septembre 1894, un agent français, Marie Bastian, servant sous la couverture de femme de ménage, à l'ambassade d'Allemagne, récupère un bordereau contenant des secrets militaires français, notamment en matière d'artillerie.
Rapidement les soupçons se portent sur le capitaine-stagiaire Alfred Dreyfus, artilleur de l'armée française, travaillant à l'État-Major et d'origine juive alsacienne. On sait aujourd'hui qu'Alfred Dreyfus était innocent, l'accusation étant basée sur de faux documents. Quand les officiers généraux se rendirent compte de leurs erreurs, ils tentèrent de les maquiller.
Après une très sommaire analyse graphologique, du fait de similitudes d'écriture, il est arrêté le 15 octobre et incarcéré à la prison du Cherche-Midi. Le 31 octobre son arrestation est rapportée dans la presse.
Le 2 novembre, le général Auguste Mercier, ministre de la Guerre, décide d'entamer des poursuites à son encontre. Il est traduit devant un premier Conseil de Guerre à Paris, à huis clos. Pour forcer le jugement, un dossier secret est communiqué aux juges sans que la défense assurée par Maître Domange, avocat, en ait connaissance. Le 22 décembre il est condamné à la dégradation militaire - qui aura lieu le 5 janvier 1895 dans la cour de l'École militaire - et à la déportation au bagne de l'Ile du Diable.
Mathieu Dreyfus, frère de l'accusé, est convaicu de l'innocence de son frère et réussit à convaincre le journaliste Bernard Lazare de se pencher sur les zones d'ombre de la procédure. Le 14 septembre pour, au contraire, renforcer les convictions de l'opinion sur la responsabilité du condamné, L'Éclair révèle l'existence du « dossier secret », montrant l'illégalité de la procédure ; en particulier, on commence à parler du faux Henry. Puis le 10 novembre 1896, Le Matin produit un fac-similé du bordereau.
Enfin en 1897 le lieutenant-colonel Georges Picquart, ancien chef de la Section de Statistique - nom des services de renseignement de l'armée - fait connaître ses doutes sur la culpabilité de Dreyfus, du fait notamment d'une pièce également découverte à l'ambassade d'Allemagne, dite le petit bleu incriminant un autre officier français, le commandant Esterhazy. Fort de cette information Bernard Lazare parvient à convaincre Auguste Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat et alsacien. Et en novembre, les défenseurs des Dreyfus sont informés des similitudes d'écriture du bordereau avec celle d'un officier français nommé Esterhazy.
Le 15 novembre, Mathieu Dreyfus porte plainte auprès du ministère de la Guerre contre Esterhazy. Mais celui-ci est protégé par l'État-major, pour le disculper il est présenté le 10 janvier 1898 devant le Conseil de guerre qui l'acquitte le lendemain et Picquart est arrêté sous accusation de faux - le petit bleu.
L'article d'Émile Zola
Le 25 novembre, Émile Zola, entre-temps convaincu de l'innocence de Dreyfus, publie un premier article dans Le Figaro, qui ne tardera pas à se désengager de ce qui est désormais "L'Affaire", puis le 13 janvier 1898, il publie en première page de L'Aurore, un article intitulé : J'accuse, adressé au président de la République Félix Faure, article qui fait l'effet d'une bombe (voir aussi Les Preuves, de Jean Jaurès).
Le général Billot porte plainte contre Zola qui passe devant les Assises de la Seine du 7 au 23 février. Il est condamné à 3 000 francs d'amende et un an de prison mais son procès a permis la publicité des pièces.
Le mouvement dreyfusard
Dessin de Caran d'Ache dans le Figaro du 14 février 1898.
Un mouvement dit dreyfusard se forme pour défendre Alfred Dreyfus. Parmi ces derniers, des hommes de lettres et de sciences, des universitaires, qualifiés pour la première fois d'intellectuels. Certains formeront la Ligue française pour la défense des droits de l'Homme et du citoyen.
À l'opposé, on trouve les antidreyfusards, des défenseurs de « la chose jugée », des antisémites, des républicains défenseurs de l'armée - qui dans l'esprit revanchard est seule capable de restaurer l'honneur de la France -, etc. Jean Jaurès défendra aussi Dreyfus, publiant le 11 octobre, dans La Petite République, un article intitulé « Les Preuves ».
Le 7 juillet, Godefroy Cavaignac, nouveau ministre de la Guerre, dans un discours devant la Chambre mentionne un document accablant pour Dreyfus. Mais on ne tarde pas à découvrir qu'il s'agit d'un faux réalisé par le lieutenant-colonel Henry qui est arrêté le 30 août. Il se suicide le lendemain. Apparaît alors la notion de « faux patriotique » et La Libre Parole, journal antisémite, lance une souscription au profit de sa veuve, le monument Henry. Chaque donation est accompagnée de remarque lapidaire sur Dreyfus et les Dreyfusards.
Les débuts de la réhabilitation
Le 16 février 1899, le président de la République Félix Faure (hostile à la révision du procès) meurt, il est remplacé par Émile Loubet. Le 3 juin est signé l'arrêt de révision renvoyant Alfred Dreyfus devant un second Conseil de guerre à Rennes.
À cette date la République est menacée, Paul Déroulède a tenté le 23 février un coup de force sur l'Élysée. Le 1er juin, le capitaine Marchand, héros de Fachoda, critique le gouvernement. Le 4 juin, le président Loubet est agressé aux courses d'Auteuil. Le 11 juin, le gouvernement Dupuy est renversé.
Alfred Dreyfus débarque le 1er juillet en France et se présente le 8 août devant le Conseil de guerre à Rennes. L'un de ses avocats, Maître Labori est blessé par coup de feu. Le 8 septembre, la cour rend son jugement : il est reconnu coupable de trahison mais « avec des circonstances atténuantes » (par 5 voix sur 7).
Préférant éviter un troisième procès, le président Loubet, accorde sa grâce présidentielle à Dreyfus, le 19 septembre. Dreyfus n'est pas pour autant innocenté. Entre temps eut lieu l'affaire du « Fort Chabrol », dernier coup d'éclat des antidreyfusards. Il faut attendre le 12 juillet 1906 pour que la Cour de cassation annule, « sans renvoi » le jugement de Dreyfus.
Dreyfus est réhabilité en 1906.
Articles connexes
Bibliographie
- L'Affaire J-D. Bredin ISBN 2-260-00346-X
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