lundi 22 mai 2006

Barrage des Trois Gorges

Source : Wikipedia.

Maquette du barrage des 3 gorges
Maquette du barrage des Trois Gorges

Le barrage des Trois Gorges (en Chinois 三峡大坝 ou Sanxia ) est un barrage hydroélectrique en Chine, sur le Chang Jiang, dont la mise en service doit se terminer en 2009.

C'est le plus grand barrage hydroélectrique du monde.

Caractéristiques

Le barrage des Trois Gorges est situé à Sandouping, près de Yichang, dans la province de Hubei en Chine, à la limite de la région montagneuse du Haut Yangtsé et de la plaine du Moyen Yangtsé, en aval des Trois Gorges et en amont du barrage existant de Ghezouba, là où le fleuve a un débit de 14 300 m³/s. La décision de construire le barrage a été prise à l'Assemblée populaire en 1992, avec un nombre record d'abstentions et d'oppositions au projet. Le chantier a démarré en 1994. En 2000, le fleuve Chang Jiang est dévié, alors que le barrage monte jusqu’à 80 mètres de haut.

  • Barrage : long de 2309 mètres et haut de 185 mètres ; sa construction a nécessité le 27 millions de mètres cubes de béton 1
  • Réservoir : d'une superficie de 1084 km², le réservoir est étroit et s'étend jusqu'à Chongqing en amont; la navigation est assurée par une gigantesque écluse de 100 m.
  • Capacité de production : les 26 générateurs 2 (fournis par le français Alstom) de la centrale auront une puissance installée de 18 200 mégawatts, soit 10% de la capacité installée en Chine (ou six fois la capacité des centrales hydroélectriques du Rhône).
  • Production : la centrale produira environ (en 2009) 84,7 TWh d'électricité par an 3 (soit plus que l'ensemble du complexe hydroélectrique La Grande au Québec, Canada).
  • La centrale a commencé sa production commerciale d'électricité en août 2003, avec 4 générateurs d'une puissance installée de 5 500 mégawatts.
  • Prix : offiellement la construction n'a côuté que 25 milliards de dollars 4 mais serait plus proche des 50 milliards.
  • Selon le quotidien Xinjing, citant un responsable du chantier, «une centaine de personnes sont mortes sur le chantier en dix ans».

La transmission de l'électricité produite utilisera en particulier des liaisons à courant continu (HVDC).

Histoire

Le premier projet sur le site du barrage des Trois Gorges remonte à 1919 , date à laquelle Sun Yat-sen fit une première proposition. En 1944, une étude fut confiée à un membre du bureau de l'agriculture des États-Unis, mais ce premier projet fut abandonné en 1947, officiellement pour des raisons financières, mais en fait à cause des évènements liés à la révolution et à la prise de pouvoir par les communistes.

Le projet a continué avec les Soviétiques jusqu'à la rupture des relations. De fait, les études se sont succédé ensuite sans discontinuer à partir de 1955. Avec le développment de la chine au début des années 1980, le projet ressurgit. Les Américains sont revenus pour participer au projet. Mais le Conseil d'Etat, en 1989 frappe le projet d'un moratoire de cinq ans. Après la reprise en main autoritaire qui suivit la répression du «Printemps de Pékin», le premier ministre chinois Li Peng, ingénieur de formation pousse à la construction du barrage. La décision finale est prise le 3 avril 1992, par 1 767 voix pour, 177 contre et 664 abstentions par le congrès national du peuple. Mais cette adoption avec seulement deux tiers des suffrages, ce qui est raririssme dans les institutions de la Chine communiste traduit les oppositions internes au projet. Les délais sont à la mesure de l'œuvre entreprise.

Les travaux ont été inaugurés en 1994 par le président Jiang Zemin et le premier ministre Li Peng. La Chine a investi 24,5 milliards de dollars dans ce projet.

Le jeudi 18 mai 2006, l'introduction à la bourse de Shanghaï des titres de la société China Yangtze Power Co, véhicule en Bourse du barrage, s'est achevée sur une hausse de presque 44 % 5.

Le samedi 20 mai 2006 Li Yong'an (directeur général de la société de construction du barrage) annonça au peuple chinois que le barrage était officiellement terminé. Mais le barrage ne sera pleinement opérationnel qu'en 2008, après l'installation des 26 turbines servant à la production d'électricité.

La polémique

La construction du barrage des Trois Gorges a suscité une vaste polémique, tant en Chine avec l'opposition de nombreux scientifiques que dans le monde. La Banque Mondiale a refusé d'y participer doutant de la viabilité du barrage. L'écrivaine chinoise Dai Qing a qualifié le barrage de «farce ridicule et néfaste qui va hanter les dirigeants chinois». Les associations écologiques dénoncent le risque pour 75 millions de personnes qui vivent en aval de l'ouvrage.

Arguments contre le barrage

Écologiques
  • En amont :
    • Sédimentation rapide du réservoir, ce qui paralyserait le fonctionnement du barrage
    • Inondation de 600 km² de terres agricoles et de forêts
  • En aval :
    • Importants changements dans la faune et la flore. La réduction des sédiments en suspension va conduire le fleuve à creuser son lit, la réduction des crues permettra la colonisation des vastes lacs actuels de déversement des crues du moyen du fleuve, d’où des problèmes pour les oiseaux (grues de Sibérie) et les dauphins blancs d'eau douce.
    • Dans le delta du fleuve, la réduction de l’apport sédimentaire risque de faire reculer le delta, et la faiblesse du débit en hiver risque d’aggraver la remontée des nappes salées plus à l’intérieur du delta.
    • Le barrage va entraîner un accroissement de l'irrigation dans le delta ce qui entraînera une remontée du sel en surface par capillarité et nécéssitera alors un drainage pour évacuer le sel.
    • érosion : depuis la mise en route du chantier, les rives du fleuve se sont érodées de 4 km² par an en certains lieux 6.
Humaines

Déplacement prévus de 1,2 million d'habitants (précédent record de 300 000 habitants en Chine du Nord battu) avec l'engloutissement de villes et de nombreux villages.

  • 40% des personnes déplacées sont des citadins, relogés pour moitié dans de nouveaux quartiers en ville dans des appartements dont les immeubles ont été construits à la va vite, alors que la plupart du temps ils étaient logés dans de petites maisons.
  • 60% sont des paysans Han relogés pour moitié au-dessus du réservoir avec des parcelles de la même superficie de 600 m², mais dans des conditions de culture différentes : sols minces, en pente et à une altitude comprise entre 300 et 1000 m. ceci impliquant que leur agriculture traditionnelle, l'agrumiculture ne sera plus possible.
    • Par endroits, disparition de sites archéologiques qui doivent être réaménagés plus haut.
  • Risque pour 75 millions de personnes vivant en aval en cas de rupture du barrage, notamment pour la ville de ShangaÏ.
Politiques
  • Il permet de créer dans la société chinoise un consensus qui peut s'identifier à ce grand projet hydraulique. La propagande agit dans ce sens, lorsqu'elle emmène toute la jeunesse voir le barrage.
  • Contrairement à ce qui a été avancé, ce barrage ne résout pas le problème de l'approvisionnement électrique de la Chine. Sa production annuelle de 85 TWh correspond à peu près à 2 % de la consommation nationale soit un an de hausse de demande du pays. Ce qui signifie que la Chine aura besoin d'autant de nouvelles centrales électriques d'ici 2011 avec ce barrage, qu'elle n'aurait eu besoin d'ici 2010 sans lui.

Arguments pour le barrage

  • Lutte plus efficace contre les crues du fleuve, en aval, qui pouvaient dépasser 100 000 m3/s, atteindre une cote de 17 mètres au-dessus du niveau de la plaine (29 mètres au centre de Wuhan en septembre 1998), avec en plus un argument humanitaire de sécurisation des nombreuses populations habituellement touchées par les crues (50 à 80 millions d’habitants) et causant chaque année de nombreux morts. Les crues de l'automne 1998 auraient causé la mort de 300 000 personnes.
  • Fourniture d'énergie hydroélectrique, l'équivalent de 20 tranches de centrales nucléaires, de 50 millions de tonnes de charbon par an, soit 2 % des besoins en énergie du pays, ce qui fournit un argument d'écologie globale.
  • Essor de la navigation en amont du fleuve : les cargos (jusqu'à 10 000 t) pourront remonter vers le bassin du Sichuan en passant l'obstacle naturel actuel des Gorges.
  • Développement économique d'une région intérieure, jusqu'à présent le boom économique favorisait plutôt les régions cotières.
  • Développement de la pêche dans le réservoir.
  • Développement du tourisme en été et non plus seulement lors de la saison sèche.
  • Meilleure maîtrise de la qualité générale de l'eau.
  • Transfert d'une partie des eaux du Yang-tseu-Kiang vers la plaine de la Chine du Nord qui souffre d'une sècheresse endémique par un simple canal de dérivation capable si besoin d'apporter annuellement 40 km3 d'eau, soit l'équivalent annuel du Rhône. Ce transfert permettrait d'éviter la construction de 3 petits barrages initialement prévus. En fait, la nouvelle dérivation permettra l'alimentation toute l'année, du barrage du lac Han qui apporte déjà annuellement, par un canal, 20 km3/an à la plaine du nord, sauf lors des saisons sèches.

Chiffres à juin 2003

  • une centaine de morts lors de la construction (chiffres officieux 7)
  • 1,25 millions de personnes ont été déplacées.
  • 15 villes et 116 bourgs ont été engloutis.
  • 436 km² de terres ont disparu.
  • Les 24.5 milliards de dollards prévus ont largement été dépassés.

Notes

  • 1. « La construction du barrage des Trois-Gorges officiellement achevée » dans Le Monde web, 20/05/2006
  • 2. Brice Pedroletti, « Barrage des Trois Gorges : la Chine, schizophrène mais pragmatique » dans Le Monde web, 20/05/2006
  • 3. Brice Pedroletti, « Barrage des Trois Gorges : la Chine, schizophrène mais pragmatique » dans Le Monde web, 20/05/2006
  • 4. « La construction du barrage des Trois-Gorges officiellement achevée » dans Le Monde web, 20/05/2006
  • 5. Le Figaro du 19 mai 2006
  • 6. « La construction du barrage des Trois-Gorges officiellement achevée » dans Le Monde web, 20/05/2006
  • 7. Philippe GRANGEREAU, « Trois-Gorges, un barrage monstre » dans Libération web, 20/05/2006

vendredi 19 mai 2006

Pluie acide

Source : Wikipedia.

L’appellation « pluies acides » fut utilisée la première fois par Robert Angus Smith en 1870. Elle décrit toutes les formes de précipitations acides (pluie, neige, brouillard, grêle, poussières, etc). L'acidité de ces retombées provient des émissions des différentes activités humaines (industrie, transports, etc). Elles dégradent voire détruisent les écosystèmes et certains bâtiments anciens fragiles.

Elles ont un pH inférieur à 5,6. Les pluies normales ont un pH aux environs de 6. Les "pluies sèches", retombées solides, sont parfois plus dangereuses

Sources des pluies acides

Les pluies acides résultent de la dispersion dans l’atmosphère de polluants comme le dioxyde de soufre (SO2) et les oxydes d’azotes (NO, NO2). Ces derniers proviennent de la combustion de matière fossile par l’homme, ou sont produits naturellement par les éruptions volcaniques, la foudre, la décomposition biologique, les océans, les feux de forêts, etc… Les centrales électriques thermiques et la circulation automobile sont donc en cause.

Une fois introduits dans l’atmosphère (principalement par les industries), les polluants les plus lourds retombent à proximité ; les plus légers voyagent dans les hauts courants aériens sur des milliers de kilomètres et réagissent avec l’eau pour former de l'acide nitrique et de l'acide sulfurique.

L'industrie peut rejeter énormément de polluants qui vont être cause de pluies acides. L'incinération de plastiques peut dégager des vapeurs toxiques et acides. Le chlorure d'hydrogène résultant de la combustion du PVC forme avec l'eau de l'acide chlorhydrique.

Les principales zones de production de polluants sont la Ruhr, la Lombardie, les anciens pays miniers français et anglais. En revanche, portés par les vents dominants, bonne partie des pluies acides en Scandinavie sont dues aux polluants produits en Angleterre.

Conséquences des pluies acides

L’acidité des lacs empêche le développement normal des espèces et des végétaux qu’il abrite. La flore est affaiblie, résiste moins bien aux maladies et aux hivers rigoureux. Les sols acidifiés empoisonnent les arbres, les affaiblissent, et peuvent les tuer dans les cas graves. La base de la chaîne alimentaire est également touchée, ainsi que tous les animaux qui en dépendent. Les oiseaux et mammifères aquatiques sont en particulier touchés.

Les cours d'eau

Les cours d’eau acides empêchent les larves et embryons de se développer. L’aluminium libéré par les réactions chimiques entre le sol et les acides peut boucher les ouies des poissons, entraînant un stress respiratoire. Certains polluants comme des métaux lourds deviennent solubles. Les poissons résistent peu à l’acidification des rivières et lacs (aucun poisson ne peut se développer en dessous d’un pH de 4.5). Pourtant, certaines formes de vie en tirent avantage, comme par exemple les plantes benthiques (au fond des lacs), la mousse, ou encore les larves de simules (mouche noire).

Tous les lacs exposés ne s’acidifient pas, cela dépend des sols environnants. Par exemple, les sols calcaires augmentent le pH quand ils sont dissous dans l’eau, contrairement aux sols granitiques qui ne réagissent pas du tout avec les pluies acides.

Effets de l’acidification d’un écosystème marin
  • pH 6.0 : Les crustacés, des insectes, et certaines espèces planctoniques commencent à manquer.
  • pH 5.0 : Changements importants de la composition et concentration du plancton. Des mousses et des espèces planctoniques moins utiles apparaissent. La perte de certaines espèces est possible. Les espèces les plus prisées sont celles qui disparaissent le plus vite.
  • pH inférieur à 5.0 : Raréfaction du poisson. Le fond de l’eau est couvert de matériaux non décomposés. Des secteurs côtiers peuvent être envahis par les mousses. La faune terrestre peut être affectée indirectement

La flore

Les arbres ne sont pas directement détruits, mais les éléments nutritifs contenus dans le sol sont dissous et emportés par les pluies. Les pluies acides tuent aussi les micro-organismes, ce qui laisse un sol sale, sans nouveaux éléments nutritifs produits. Les feuilles sont endommagées (tâche noire ou marronne), et ne peuvent plus photo-synthétiser. La défoliation prive l’arbre de sucre. Certaines substances chimiques peuvent aussi être lentement libérées du sol et empoisonner les arbres. Leurs racines, essayant de survivre dans un sol rongé, peuvent aussi être directement attaquées par l’acide. Tout cela conduit à une diminution de la résistance de la flore, et donc à une augmentation de la mortalité lors d’épidémie, de conditions climatiques difficiles, etc…

Les feuilles résistantes des résineux sont brûlées dans les zones les plus polluées. Les forêts montagneuses, baignant dans le brouillard et les nuages, reçoivent encore plus d’acide que les forêts de plaine, ces formes de pollutions étant d’ailleurs assez souvent plus acides que les dépôts secs (exemples malheureux dans la Forêt noire et en Alsace).

Les bâtiments

Les pluies acides accélèrent l’érosion naturelle. Les pluies acides dissolvent et emportent immédiatement la pierre. Cela a été fortement remarqué en Angleterre pour les cathédrales telles que York Minster et l’Abbaye de Westminster. D’autres bâtiments faisant partie du patrimoine mondial ont été durement érodés ces dernières années, par exemple le Taj Mahal en Inde et le Colisée à Rome. Ce phénomène se produit principalement dans les régions industrielles. Le marbre et le tuffeau sont plus fragiles que d'autres matériaux.

Lutte

Les pluies acides constituent un problème international depuis qu’il est avéré qu’elles peuvent voyager sur des milliers de kilomètres. En 1988, le traité de la Convention sur la pollution transfrontalière à long terme (Convention on Long-Range Transboundary Pollution) a été rédigé en conséquence, limitant les émissions d’oxydes d’azote à leur niveau de 1987. En Europe, la Commission économique des Nations unies pour l’Europe s’en occupe, et les normes sont européennes.

Le niveau de polluants libérés est adapté à la charge critique (niveau maximal de polluants pouvant être tolérés) du milieu, voire moins. Des filtres ou des purificateurs d’air sont installés sur les cheminées d’usines polluantes. Le pot catalytique est obligatoire.

mercredi 3 mai 2006

Liste rouge de l'IUCN des espèces menacées 2006

Source : Communiqué de presse du site de l'UICN (Union Mondiale pour la Nature).

La liste rouge de l’UICN des espèces menacées 2006™ révèle une dégradation constante de l’état des plantes et des animaux

On sait, avec certitude, qu’au moins 16 125 espèces sont menacées d’extinction. Des animaux aussi familiers que l'ours blanc, l'hippopotame et les gazelles du désert viennent grossir les rangs des espèces menacées d'extinction, en compagnie des requins océaniques, des poissons d'eau douce et des fleurs méditerranéennes. Des mesures de conservation ont été bénéfiques au pygargue à queue blanche et offrent une lueur d'espoir aux vautours indiens.

Genève, Suisse, 2 mai 2006 (UICN) – Les espèces officiellement déclarées Éteintes sont au nombre de 784 et 65 autres n'existent qu'en captivité ou en culture. Sur les 40 169 espèces évaluées à l'aide des critères de la Liste rouge de l'UICN, 16 125 sont aujourd'hui déclarées menacées d'extinction. Un amphibien sur trois et un quart des espèces de conifères du monde, un oiseau sur huit et un mammifère sur quatre sont en péril.

La Liste rouge de l'UICN des espèces menacées 2006™ met clairement en lumière le déclin permanent de la biodiversité mondiale et l'impact de l'humanité sur toutes les formes de vie de la planète. Reconnue comme l'évaluation la plus sérieuse de l'état de conservation mondial des plantes et des animaux, la Liste fournit une mesure exacte et précise des progrès, ou de l'absence de progrès de l'objectif fixé par la communauté mondiale : assurer, d'ici à 2010, une forte réduction du rythme actuel de perte de la diversité biologique.

« La tendance qui se dégage de la Liste rouge de l'UICN 2006 est claire : la perte de biodiversité s'accélère au lieu de ralentir » déclare Achim Steiner, Directeur général de l'Union mondiale pour la nature (UICN). «Cette tendance est lourde de conséquences pour la productivité et la résilience des écosystèmes ainsi que pour la vie et les moyens d'existence des milliards de personnes qui en dépendent. Il est possible de la renverser, comme le prouvent les nombreux succès de la conservation. Mais pour réussir à l'échelon mondial, il faut nouer de nouvelles alliances entre tous les secteurs de la société. La biodiversité ne sera pas sauvée par les seuls spécialistes de l'environnement -- il faut qu'elle devienne la responsabilité de chacun d'entre nous et que nous ayons les moyens et les ressources pour agir » a-t-il ajouté.

La fonte des calottes polaires...

L'ours blanc (Ursus maritimus) est voué à devenir une des plus célèbres victimes du réchauffement climatique mondial. L'impact des changements climatiques se fait de plus en plus sentir dans les régions polaires où, l’été, la banquise devrait diminuer de 50 à 100 % dans les 50 à 100 prochaines années. Comme ils dépendent de l'écoulement glaciaire arctique pour chasser les phoques et qu’ils sont hautement spécialisés et adaptés à la vie dans le milieu marin arctique, les ours blancs devraient subir un déclin de plus de 30 % de leur population dans les 45 prochaines années. Jusque-là inscrit par l'UICN comme espèce dépendant de mesures de conservation, l'ours blanc entre dans les catégories des espèces menacées où il est désormais classé Vulnérable. (Des explications sur les catégories de menaces de la Liste rouge de l'UICN se trouvent dans les Notes aux rédacteurs).

... la mort des déserts...

L'empreinte mondiale de l'humanité sur la planète est même visible dans des régions à priori éloignées de toute influence anthropique. Les déserts et les zones arides pourraient sembler relativement intacts mais les animaux et les plantes, spécialement adaptés, y sont parmi les plus rares et les plus menacés. Lentement mais sûrement, les déserts se vident de leur faune et de leur flore diverses et spécialisées, pratiquement à notre insu.

La chasse non réglementée suivie de la dégradation de l'habitat : telles sont les principales menaces pour la faune du désert. La gazelle dama (Gazella dama) du Sahara, déjà considérée En danger en 2004, a subi une perte de 80 % de ses effectifs en 10 ans, en raison d'une chasse non contrôlée ; elle est aujourd'hui rangée dans la catégorie En danger critique d'extinction. D'autres espèces de gazelles du Sahara sont également menacées et semblent destinées à subir le sort de l'oryx algazelle (Oryx dammah), Éteint à l'état sauvage.

Des pressions semblables s'exercent sur les antilopes d'Asie. La gazelle à goitre (Gazella subgutturosa) dispose d'une vaste aire de répartition dans les déserts et les semi-déserts de l'Asie centrale et du Moyen-Orient et, jusqu'à ces dernières années, comptait des populations importantes au Kazakhstan et en Mongolie. Dans les deux pays, la disparition des habitats et la chasse illicite pour la viande sont responsables de déclins brutaux. La gazelle, qui était considérée Quasi menacée, est maintenant classée Vulnérable.

... et les océans qui se vident

Une nouveauté importante dans la Liste rouge 2006 : la première évaluation régionale complète de certains groupes marins.

Les requins et les raies figurent parmi les premiers groupes marins systématiquement évalués et sur les 547 espèces inscrites, 20 % sont menacées d'extinction. Cela confirme les craintes selon lesquelles ces espèces à croissance lente sont exceptionnellement sensibles à la surpêche et disparaissent à un rythme sans précédent dans le monde entier.

Le sort de l'ange de mer commun (Squatina squatina) et du pocheteau gris (Dipturus batis), qu'il était autrefois courant d'observer sur les marchés aux poissons européens, illustre de manière tragique la détérioration rapide et récente de l'état de nombreux requins et raies. Ils ont pratiquement disparu des étalages. L'ange de mer (passé de la catégorie Vulnérable à En danger critique d'extinction) est déclaré Éteint dans la mer du Nord tandis que la raie grise (passée de la catégorie En danger à En danger critique d'extinction) est aujourd'hui très rare en mer d'Irlande et dans le sud de la mer du Nord.

La pêche exploite des eaux de plus en plus profondes et le squale-chagrin commun (Centrophorus granulosus) qui vit sur les fonds marins est désormais considéré Vulnérable avec des déclins locaux de 95 % de sa population. Cette pression de pêche, pour sa viande et sa riche huile de foie, dépasse largement la capacité de reproduction de ce poisson ainsi que les niveaux de pêche durable. Faute d'imposer des limites de capture au niveau international, les populations de ce squale sont vouées au déclin.

« Beaucoup d'espèces marines connaissent aujourd'hui un risque d'extinction aussi élevé que les espèces terrestres : la situation désespérée de nombreux requins et raies n'est que la partie émergée de l'iceberg » déclare Craig Hilton-Taylor, de l’Unité Liste rouge de l’UICN. « Il est vital de prendre des mesures pour améliorer considérablement les pratiques de gestion et appliquer des mesures de conservation telles que des zones interdites à la pêche, des règlements sur le maillage des filets et des limites de capture internationales, avant qu'il ne soit trop tard. »

Les poissons d'eau douce en tête de la liste des extinctions

Les espèces d'eau douce ne vont pas mieux. Leur taux de déclin est parmi les plus importants : 56 % des 252 espèces de poissons d'eau douce endémiques du bassin méditerranéen sont menacés d'extinction ce qui représente la plus forte proportion pour toutes les évaluations régionales de poissons d'eau douce effectuées à ce jour. Sept espèces, notamment deux apparentées aux carpes, Alburnus akili et Telestes ukliva sont aujourd'hui Éteintes respectivement en Turquie et en Croatie. Sur les 564 espèces de libellules et de demoiselles évaluées à ce jour, près d'une sur trois (174) est menacée, dont près de 40 % des libellules endémiques du Sri Lanka.

« Nous avons besoin de poissons pour nous nourrir mais les activités de l'homme dans les bassins versants -- le défrichement des forêts, la pollution, l'exploitation de l'eau et l'eutrophisation sont les principaux facteurs qui influencent la qualité de l'eau et sa quantité. L'impact est énorme sur les espèces d'eau douce et, en conséquence, sur les communautés riveraines » déclare Dr. Jean-Christophe Vié, Coordonnateur adjoint du Programme de l'UICN pour les espèces.

En Afrique de l'Est, les effets des activités humaines sur les milieux d'eau douce menacent un poisson sur quatre (28 %). Les conséquences commerciales et alimentaires pourraient être graves dans des pays tels que le Malawi où 70 % des protéines animales consommées proviennent des poissons d'eau douce. La truite lacustre ou mpasa (Opsaridium microlepis) du lac Malawi fait l'objet d'une pêche intensive durant sa remontée des rivières en période de frai mais elle a subi un déclin de 50 % depuis 10 ans en raison de la sédimentation au niveau des frayères et de la réduction des débits par l'extraction d'eau. Elle est aujourd'hui considérée En danger.

Les écosystèmes d'eau douce ne sont pas seulement une importante source alimentaire, ils sont essentiels pour la fourniture d'eau potable propre et l'assainissement. Plus d'un milliard d'habitants de la planète n'ont pas encore accès à de l'eau salubre. Or, avec le déclin permanent des zones humides et des écosystèmes d'eau douce, il est de plus en plus difficile de satisfaire ce besoin et de maintenir les approvisionnements actuels.

Avec leur biologie semi-aquatique, les libellules sont des indicateurs utiles de la qualité de l'habitat au-dessus et au-dessous de la surface de l'eau. Sur les hauts plateaux du Kenya où la densité de population humaine est élevée et où de nombreux cours d'eau prennent leur source, une espèce de libellule des cours d'eau des forêts montagneuse s, Notogomphus maathaiae, classée En Danger, est utilisée comme porte-drapeau d’une campagne de sensibilisation du public au rôle de « gardien du bassin versant » que jouent ces espèces. La protection des forêts riveraines aidera aussi les agriculteurs vivant au pied des montagnes en assurant la stabilité des sols et un débit d'eau régulier. C'est à juste titre que cette libellule a été nommée en l'honneur de Wangari Maathai, prix Nobel de la paix, qui, inlassablement, fait campagne pour la protection des ressources naturelles de la planète comme arme de lutte contre la pauvreté.

En République démocratique du Congo, les hippopotames ont perdu 95 % de leur population -- l'espèce est classée Vulnérable

Les grandes espèces d'eau douce telle que l'hippopotame (Hippopotamus amphibius) sont aussi en difficulté. Une des espèces aquatiques africaines les plus emblématiques, l'hippopotame est considéré menacé pour la première fois et classé dans la catégorie Vulnérable essentiellement en raison du déclin catastrophique qu’il a subi en République démocratique du Congo (RDC). En 1994, la RDC possédait la deuxième population d'Afrique – 30 000 hippopotames, après la Zambie qui en avait 40 000 – mais elle a perdu 95 % de cette population à cause de la chasse non réglementée pour la viande et l'ivoire des dents.

« Touchées par les conflits régionaux et l'instabilité politique qui règne dans certains pays d'Afrique, beaucoup de populations connaissent des difficultés et l'impact sur la faune sauvage est également dévastateur » déclare Jeffrey McNeely, Conseiller scientifique en chef de l'UICN.

Autre victime de l'instabilité politique et des conflits, l'hippopotame pygmée (Hexaprotodon liberiensis) est une espèce beaucoup moins connue, présente dans une poignée de pays d'Afrique de l'Ouest seulement. Cet animal forestier craintif était déjà classé Vulnérable mais l'exploitation illicite du bois et l'incapacité d'assurer la protection dans certaines zones centrales l'ont poussé à se réfugier dans des fragments forestiers qui se réduisent comme peau de chagrin. Il est aujourd'hui classé dans la catégorie En danger.

Un tableau plus complet des plantes méditerranéennes menacées

La Liste rouge 2006 comprend de nouvelles espèces de la région méditerranéenne, un des 34 points chauds de la biodiversité mondiale avec près de 25 000 espèces de plantes dont 60 % n'existent nulle part ailleurs. En Méditerranée, les pressions de l'urbanisation, du tourisme de masse et de l'agriculture intensive ont poussé de plus en plus d'espèces indigènes telles que la buglosse Anchusa crispa et la centaurée Femeniasia balearica (toutes deux En danger critique d'extinction) vers l'extinction. La buglosse n'est connue que de 20 sites de petite taille et il reste moins de 2200 centaurées adultes.

La Liste rouge de l'UICN – un appel à la mobilisation en faveur de la diversité biologique

Mais que peut-on faire pour mettre un terme au déclin de la diversité biologique dont dépend tellement notre propre bien-être, et pour renverser la tendance?

La Liste rouge agit comme un signal d'alarme, appelant le monde à prendre conscience de l'état de notre environnement naturel. Outil de plus en plus puissant au service de la planification, de la gestion, du suivi et de la prise de décision en matière de conservation, elle est très largement citée dans la littérature scientifique comme le système le mieux adapté pour évaluer le risque d'extinction des espèces.

Elle est, à l'échelon mondial, l'outil décisionnel et scientifique le plus renommé pour la conservation des espèces mais elle est aussi de plus en plus largement adoptée au niveau national. Aujourd'hui, pour déterminer leurs priorités en matière de conservation, 57 pays au moins ont recours à des listes rouges nationales qui appliquent les critères de l'UICN.

La conservation, çà marche !

Grâce à des mesures de conservation, l'état de certaines espèces s'est amélioré : c'est la preuve que la conservation, çà marche !

Dans de nombreux pays d'Europe, la reconstitution des populations de pygargues à queue blanche (Haliaeetus albicilla) a été spectaculaire. Les effectifs ayant doublé dans les années 1990, l'espèce est passée de la catégorie Quasi menacée à la catégorie Préoccupation mineure. L'application de lois interdisant de le tuer et de mesures de protection pour éliminer les menaces que constituaient les changements de son habitat et la pollution sont à l'origine de cette embellie.

Sur l'île australienne de Christmas, le fou d'Abbott (Papasula abbotti) déclinait en raison d la disparition de son habitat et de la présence d'une espèce exotique envahissante, la fourmi folle jaune Anoplolepis gracilipes qui ravageait l'écologie insulaire. Le fou, inscrit dans la catégorie En danger critique d'extinction en 2004 voit ses effectifs augmenter grâce aux mesures de conservation et a été déplacé vers la catégorie En danger.

D'autres plantes et animaux mis en avant lors de publications précédentes de la Liste rouge font aujourd'hui l'objet d'actions de conservation concertées qui devraient conduire à une amélioration de leur état de conservation dans un proche avenir.

En Asie du Sud-Est, le poisson-chat géant du Mékong (Pangasianodon gigas) qui est, avec ses 300 kilos, l’un des plus grands poissons d'eau douce du monde, a été inscrit dans la catégorie En danger critique d'extinction en 2003. Devenu l'une des quatre espèces emblématiques du Programme pour la diversité biologique et l'utilisation durable des zones humides du Mékong, il fait désormais l'objet d'une coopération régionale en matière de gestion de la pêche et d'activités de conservation.

Grâce à des mesures prises d'urgence par suite du déclin spectaculaire de 97 % de la population du vautour indien (Gyps indicus) inscrit dans la catégorie En danger critique d'extinction en 2002, l'avenir de cette espèce ainsi que d'espèces apparentées est aujourd’hui plus sûr. Le médicament vétérinaire qui était à l'origine de son empoisonnement involontaire, le diclofenac, est aujourd'hui interdit en Inde. Un produit de substitution prometteur a été trouvé et des colonies de vautours indiens élevés en captivité serviront au programme de réintroduction.

Beaucoup d'autres espèces telles que le poisson Napoléon (Cheilinus undulatus) inscrit dans la catégorie En danger depuis 2004 et l'antilope saiga (Saiga tatarica) placée dans la catégorie En danger critique d'extinction depuis 2002 font aussi l'objet de campagnes de conservation concertées.

« Ces exemples sont la preuve que les mesures de conservation font la différence » conclut Achim Steiner. « Mais il en faut beaucoup plus. Le succès de la conservation prouve que nous ne devrions pas rester des spectateurs passifs de la tragédie de la perte de biodiversité et de l'extinction des espèces qui se déroule sous nos yeux. L'UICN, avec les nombreux autres acteurs de la communauté mondiale de la conservation, continuera de prôner des investissements plus conséquents en faveur de la biodiversité et de mobiliser de nouvelles coalitions entre tous les secteurs de la société. »