mardi 18 juillet 2006
Inondation de la mer du Nord de 1953
La tempête
Dans la nuit du 31 janvier au 1er février 1953, une très violente tempête du Nord-ouest propulsa l'eau à des hauteurs inouïes dans l'étroit goulet au sud de la mer du Nord. À Hoek Van Holland, où l'eau atteint normalement 80 cm au-dessus du niveau de la mer marée haute – par rapport au niveau zéro d'Amsterdam, NAP, Normaal Amsterdam Peil – on a mesuré cette nuit là un niveau jamais atteint de 385 centimètres !
Les tempêtes sont fréquentes en mer Du Nord, et le vent vient généralement du sud-ouest. C'est-à-dire qu'il souffle parallèlement a la côte des Pays-Bas. Mais cette nuit là, le vent soufflait du nord-ouest, donc perpendiculairement à la côte, ce qui est très dangereux pour les Pays-Bas. De plus la tempête fut exceptionnellement longue. A cause de cela, l'eau refoulée par la marée montante, dans l'après-midi du samedi 31 janvier, avait peu baissé à la marée suivante. Si bien que pendant la marée montante à l'aube du dimanche matin 1er février, l'eau avait encore monté. De plus, la nuit de la catastrophe coïncidait avec une marée de vives eaux.
Les marées de vives eaux sont dûes à la concordance de l'attraction lunaire et solaire : si la Lune et le Soleil se trouvent sur une même ligne par rapport a la Terre, ils renforcent mutuellement leur attraction et donc la force de la marée. Ce phénomène se produit deux fois par mois, à la pleine lune et à la nouvelle lune. Comme la Lune a une trajectoire elliptique autour de la Terre, la distance entre la Terre et la Lune varie.
Durant la nuit de la catastrophe, la Lune était relativement loin de la Terre. Son influence sur le niveau de l'eau fut donc minime, comparée à celle de la tempête. Mais on frémit à l'idée que deux semaines plus tard, la marée de vives eaux étant plus forte, les niveaux d'eau auraient été encore plus élevés. En effet, dans ce cas, une grande partie de la province de la Hollande méridionale aurait put être inondée. Et la catastrophe aurait pu être pire encore, si la force du vent n'avait pas diminué lorsque la tempête atteignit la côte. A ce moment-là, le vent était de force 10 mais peu de temps auparavant, au large de la côte orientale de l'Ecosse, avaient été mesurés des vents de force 12.
Les conséquences de ce raz-de-marée furent désastreuses : plus de 1.800 morts, 160.000 hectares de terres inondées, de nombreuses têtes de bétail noyées, et de beaucoup de bâtiments détruits ou endommagés.
La genèse du plan Delta
La cause de la catastrophe fut d'abord imputée à un malheureux concours de circonstances. Après la tempête, il apparut clairement que les facteurs humains avaient aussi joué un rôle. L'entretien des digues avait laissé à désirer avant la guerre, pendant les années de crise. En 1939, le ministre des Transports et de la Gestion des Eaux avait crée une "commission des marées et tempêtes". Dans les années qui suivirent, différents rapports attirèrent l'attention sur l'état préoccupant des digues.
Pendant la guerre la situation ne s'améliora pas, et en 1943 on évita de peu une inondation catastrophique. Après la guerre, le budget du ministère des Transports n'en fut pas moins réduit. La reconstruction, la crise du logement et la tension politique croissante entre l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest exigeaient d'importants investissements.
Cependant on étudiait depuis de nombreuses années déjà les possibilités d'accroître la sécurité des îles du sud-ouest. C'est ainsi qu'on avait construit, dès 1950, un barrage sur la Brielse Maas. La discussion s'engagea ensuite sur la question de savoir s'il fallait continuer à construire de grands barrages de fermeture, ou bien s'il valait mieux surélever et renforcer l'intégralité des 700 km de digues marines dans la région du Delta ; mais c'est la catastrophe de 1953 qui incita les pouvoirs publics à prendre rapidement une décision et à mettre en oeuvre le plan Delta.
Le 18 Février 1953, le ministre des Transports et de la Gestion des Eaux créa une commission composée essentiellement d'ingénieurs, la commission Delta. Un an plus tard, cette commission publia un avis recommandant de fermer tous les bras de mer, a l'exception de l'Escaut occidental et du Nieuwe Waterweg, par de solides barrages. Ce plan fut adopté en novembre 1957.
Étant donné que plus d'un tiers du pays se trouve sous le niveau de la mer, la tâche s'annonçait difficile. Les dunes le long de la côte furent relevées de plus de 5 mètres, et les îles de la Zélande furent reliées par des digues et divers ouvrages d'art. Le plus sophistiqué d'entre eux est l'Oosterscheldekering, qui peut être ouvert ou fermé pour protéger la baie formée tout en gardant sa salinité, pour la pérennité de la faune sauvage et de l'industrie de la pêche. Les ouvrages d'art, d'une longueur totale de 25 kilomètres, ont réduit en revanche la côte maritime des Pays-Bas d'environ 700 kilomètres.
D'après le calendrier d'alors, le projet devait être achevé en 1978, exactement un quart de siècle après la catastrophe. A cause de modifications et d'agrandissements du plan, cette date n'a pas été tenue. Le barrage anti-tempête sur l'Escaut occidental, considéré par beaucoup comme la conclusion des travaux du plan Delta, fut terminée en 1986, et le barrage anti-tempête sur le Nieuwe Waterweg, dont la construction n'a été décidée qu'après 1986, ne le sera qu'en 1996, soit 43 ans après la catastrophe.
Cependant, il y a un débat fondamental à propos des fondements du Plan Delta : le niveau de la terre baisse et celle-ci est soumise au réchauffement global et au changement de climat. Le niveau des océans monte. Les digues vont sans doute devoir être renforcées et rehaussées, créant davantage d'enfoncement du terrain. Certains avancent que le déplacement des villes et l'abandon de terres à la mer seraient une solution plus viable à long terme qu'une bataille contre les eaux.
Sources : Inondation de la mer du Nord et Plan Delta (Wikipedia).