Source : Wikipedia.

La procrastination est un terme relatif à la psychologie qui désigne la tendance pathologique à remettre systématiquement au lendemain quelques actions (ou beaucoup plus !), qu’elles soient limitées à un domaine précis de la vie quotidienne ou non. Le « retardataire chronique », appelé procrastinateur, n’arrive pas à se « mettre au travail », surtout lorsque ça ne lui procure pas de gratification immédiate.

Profil et comportements types

Cette tendance apparaît souvent au fil des études (cela peut débuter dès l’école primaire) et affecte en particulier des étudiants doués, habitués à réussir les épreuves avec aisance et à être reconnus pour leur talent. Devant soutenir un effort inhabituel face à une difficulté, ils perdent confiance en eux et ressentent une angoisse. Comme beaucoup de problèmes psychologiques, la procrastination dépend du milieu familial. Une famille véhiculant l’idée selon laquelle la société est un espace très compétitif, des parents ayant des attentes démesurées, prédisposent à ce problème.

La majorité des personnes affectées par la procrastination l’est en général aussi par le « perfectionnisme », c’est-à-dire la tendance d’une personne à estimer inacceptable un travail qui ne soit pas fait à la perfection. Comme il est rare de pouvoir atteindre la perfection autrement que par essais et erreurs et que la personne n’accepte pas l’idée de faire une erreur, elle contourne le problème en ne faisant rien : par exemple la nécessité d’un rangement ou d’un classement est sempiternellement différée parce qu’on n’a pas le temps de faire quelque chose de parfait, et on ne fait donc rien du tout. Cependant, être un « retardataire » ne signifie pas ne rien faire. Au contraire, le sujet peut être pris d’une véritable frénésie d’activités (aller faire les courses, entamer un grand ménage de printemps, repeindre les volets, prendre des nouvelles de la grand-mère, faire de la maintenance informatique…), tant que celles-ci ne possèdent aucun rapport avec LA tâche problématique (faire un rapport).

La procrastination peut se développer à différents niveaux, du bénin au malin. Si elle se concentre sur des choses sans conséquence (faire la vaisselle, remplir sa déclaration de revenus…), le sentiment de protection qu’elle apporte peut valoir au ‘retardataire’ tous les tracas qui s’ensuivent… Mais dans certains cas sévères, elle peut amener divorces, pertes d’emploi, voire problèmes juridiques.

Raisons probables

On retrouve cette attitude dans la plupart des comportements dépressifs. Comme dans ces phases toute action est rendue encore plus difficile qu’à l’habitude, le sujet préfère reporter au lendemain… qui ne s’avère en général pas plus fructueux. Mais il s’agit surtout d'un comportement à part entière. Cinq peurs pouvant se mêler se retrouvent au cœur de cette attitude.

Peur de l’échec

Le sujet préfère retarder le travail au maximum jusqu’à estimer qu’il est trop tard pour le faire (pour le faire parfaitement) ; s’il l'accomplit, il peut se dire qu’il aurait pu faire quelque chose de bien mieux s’il s’y était pris plus tôt.

Cette attitude semble liée à une éducation exigeante, fondée sur une culture du résultat. Le sujet prend l’habitude de ne plus pouvoir engager une action sans penser à l’évaluation qui la suivra et cherche alors à éviter les conséquences fâcheuses. La procrastination peut se trouver chez des sujets très doués dans leur domaine et —paradoxalement— manquant de confiance en eux en profondeur.

exemple : un étudiant qui stresse à l’idée de rendre un mémoire inintéressant.

Peur de la réussite

Le sujet craint qu’en réussissant il s’attire la jalousie des autres et/ou qu’alors il soit chargé de nouvelles responsabilités, de nouvelles attentes plus élevées auxquelles il ne se sent pas capable de faire face. Il essaie alors de ne pas paraître parfait ni trop comblé. Cette peur peut provenir d'une jalousie fraternelle ressentie lors de l’enfance. Il peut aussi avoir la sensation qu’il menace ses parents ou mentor par sa réussite.

exemple : un employé de bureau qui ne souhaite pas changer de poste.

Peur de ne pas contrôler son environnement

Le sujet veut avoir le sentiment qu’il domine la situation, qu’il force les autres à s’adapter à ses propres désirs et actes. Cela peut venir d’un souhait de revanche, d’autonomie : des individus poussés à la performance dans des domaines ne relevant pas de leur ambition propre peuvent choisir la procrastination pour affirmer leur indépendance. Une personne voulant aussi se mesurer à son environnement par goût du risque peut aussi devenir une ‘retardataire’.

exemple : un employé qui lutte contre sa hiérarchie à la limite du renvoi.

Peur de l’isolement

Le sujet souhaite être protégé, conseillé, dirigé ; il est à l’aise en équipe ou lorsque quelqu’un d’autre prend les décisions importantes, comme un enfant dans le cadre familial. Il peut aussi chercher à attirer l’attention sur lui par une situation extrême ou encore savoir qu’il a toujours quelque chose à faire (crainte de la solitude).

exemple : un élève qui attend que quelqu’un lui fasse ses devoirs.

Peur de l’intimité

Le sujet a peur que les autres ne prennent trop de place dans sa vie (croyance qu’il va se faire voler ses réalisations, précédente relation sentimentale ratée, souvenir de personnes envahissantes…). Il peut aussi craindre de dévoiler ses « mauvais côtés » si les autres s’approchent trop de lui et qu’ainsi il se fasse rejeter.

exemple : un homme qui arrive systématiquement en retard à ses rendez-vous galants.

Comment (ré)agir

La confiance en soi est un bon moyen de lutter contre la procrastination. Elle peut s’acquérir en (ré)apprenant à réaliser et réussir, de petites choses, de plus en plus ambitieuses (voir les travaux de Rita Emmett ou les techniques proposées par Mmes. Burka et Yuen). Une autre approche consiste à se détacher du besoin d’être évalué, mais celle-ci peut nécessiter une thérapie plus lourde. Comme pour tout traitement d’un trouble psychologique, être soutenu de manière fiable est positif, surtout pour faire comprendre au retardataire qu’on peut l’apprécier pour lui et non pour ses seules performances. Il est souvent aussi nécessaire d’apprendre à se fixer des objectifs réalistes, qui peuvent se subdiviser en plus petits facilement atteignables. Les retardataires ont en effet tendance à se fixer sur l’objectif le plus lointain et impressionnant en oubliant des objectifs plus simples avant. Il leur est également difficile d'estimer le temps dont ils disposent réellement ce qui leur permet de se fixer des délais intenables (et d’autant plus stressant).

Pour l’entourage, face à un retardataire qui paraît être sourd comme un pot à chaque conseil, récrimination ou menace, il devient vite nécessaire pour chacun de savoir faire la part des choses, de rester détaché et de louvoyer entre ses intérêts propres et ceux de la relation. À défaut, le risque est d’être bloqué dans un cercle vicieux (encouragements répétés, déception de les voir sans effet, irritation de ne voir aucun changement, match nul et retour au début) qui peut mener à terme à la rupture de la relation. Trop de remarques, même proférées avec les meilleures intentions du monde, et le retardataire se sentira talonné ; il ressentira d’autant plus de pression pour l’exécution de cette tâche, qui devra être d’autant plus accomplie parfaitement. Résultat, il aura encore plus de mal à s’y mettre et esquivera la discussion (il peut même vous fuir physiquement).

Remarques autour du sujet

  • Le Tetris constitue une approche de traitement intéressante tant du perfectionnisme que de la procrastination. Dans ce jeu, en effet, mieux vaut prendre une décision approximative tout de suite que la meilleure trop tard, et quelques centaines de parties ont vite fait d’en convaincre. Il est sans doute à cet égard significatif que le jeu ait été conçu dans un pays réputé pour sa bureaucratie.
  • La tendance à la procrastination définit en caractérologie de Le Senne la différence entre les actifs (A) et les non actifs (nA) : un actif effectue ce qu’il a à faire dès qu’il peut le faire. Un non-actif n’agit que là où il est porté par l’émotion (il montera héroïquement à la charge, par exemple, mais laissera traîner longtemps la rédaction de ses notes de frais).
  • Une chanson de Fernand Sardou constitue un véritable hymne à la procrastination : il s’agit d’Aujourd’hui peut-être… ou alors demain qui connut un grand succès dans l’entre-deux-guerres.

Bibliographie

  • Ces gens qui remettent tout à demain de Rita Emmett (les éditions de l’Homme)
  • Comment ne plus être en retard de Jane B. Burka/Leonora M. Yuen (Editions Pocket)
  • Comment ne pas tout remettre au lendemain de Dr Bruno Koeltz (Editions Odile Jacob)
  • Procrastination de Terry Pratchett (éditions l'Atalante)