Il est difficile d’avancer des explications rationnelles et définitives aujourd’hui tant ces évènements qui secouent les quartiers populaires de notre pays depuis la mort de deux jeunes à Clichy sous Bois le 27 octobre sont à la fois habituels et en même temps complètement nouveaux par leur intensité, leur ampleur et l’âge de certains des jeunes révoltés. Par le côté suicidaire aussi de leurs actions qui détruisent leurs propres quartiers et parfois les biens de leurs familles et voisins.

Une chose saute aux yeux cependant c’est l’immense besoin de considération des habitants de ces quartiers.

« Les mots font plus mal que les coups » disait ce jeune interviewé.

Les mots, qu’à plusieurs reprises le ministre de l’Intérieur croyait adresser à une poignée de voyous (nettoyer au karsher, racaille) ont blessé et humilié durablement des familles entières, des « communautés » entières.

L’insistance à relier le couvre feu à la loi d’exception de la guerre d’Algérie réveille de vieux phantasmes et blesse encore les populations maghrébines déjà meurtries par le débat sur le voile et le contexte international.

La menace d’expulser les fauteurs de trouble, sera peu efficace, car tous ces jeunes sont pour la plupart français. Mais elle blesse encore une fois l’ensemble des habitants en favorisant l’amalgame entre étrangers et délinquants…

La prison, pour certains d’entre eux, les verra sortir au bout de quelques mois un peu plus enragés, même si on ne peut laisser impunis des actes inacceptables.

Quant aux propositions positives du gouvernement elles laissent un goût amer :

Il est bien temps de renvoyer les jeunes devant l'ANPE en promettant des stages et d'annoncer des subventions aux associations. Combien de ces associations qui encadraient, combien de régies de quartier qui donnaient un peu d’emploi à ces populations n’ont pas survécu à la suppression des subventions et des emplois jeunes depuis 3 ans ?

Nous craignons même qu’après le rétablissement de l’ordre, l’oubli tombe à nouveau sur ces cités.

Les dégâts ne sont pas que sur les voitures, ils sont aussi dans les têtes et les cœurs.

Et rien ne pourra se reconstruire de ce qui a été mis à mal sans le respect des habitants de ces quartiers. Respect dans les mots et respect dans les politiques qui les concernent

Nous chérissons ces populations, nous connaissons leur valeur, leur courage, leur dignité. Nous les voyons aujourd’hui s’organiser, toutes origines confondues, pour protéger ou nettoyer les dégâts

Faire partager cette vision et cet amour à d’autres est une de nos motivations profondes, à l’origine de plusieurs de nos initiatives (Jeunes Mission Banlieue, Chrétiens acteurs en banlieue…)

Nous vivons avec eux et à leur service et nous continuerons de nous impliquer dans ce que le journal « le Parisien » (3 novembre) a appelé avec bonheur « 10 raisons d’y croire. »

« Je t’aime et je compte sur toi » concluait Bruno Frappat dans un remarquable éditorial (La croix du 7 novembre) « Je t’aime et je compte sur toi », c’est ce que les populations de ces quartiers ont besoin d’entendre de toute urgence.

Robert Jourfier, supérieur régional

Source : Banlieues : le respect sur le site Les fils de la charité

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