mardi 28 février 2006

Consensus et prise de décision

Étymologie

Consensus est un mot latin qui signifie « accord », « conformité de sentiments ». Il a été lexicalisé dans la langue française au XIXe siècle sous le sens de « large accord ». Le mot latin dissensus, bien qu'il ne soit pas lexicalisé en français (il n'apparaît pas dans les dictionnaires) est parfois utilisé pour designer soit l'échec d'une recherche de consensus, soit l'attitude qui consiste à vouloir opposer les différentes opinions sans chercher à les rapprocher.

Du fait du changement de sens récent qui fait du consensus une « simple » large majorité, on en vient à parler de « consensus absolu » ou de « consensus parfait » pour désigner un accord qui ne recueille aucune opposition.

Par ailleurs, la prononciation du mot est couramment fautive : on doit dire kɔ̃nsɛ̃sys (la deuxième syllabe se prononce sain) et non kɔ̃nsɑ̃sys.

Prise de décision par consensus

Il y a de nombreuses façons, pour un groupe, de prendre des décisions, et aucune d'elles n'est parfaite. La plupart d'entre nous ont été élevés dans une culture qui considère que la démocratie occidentale est la meilleure, et que le vote est le seul pouvoir qui peut servir aux gens. Il apparaît pourtant une grande désillusion quant aux potentiels de ce système pour une collégialité dans la prise de décision, et encore plus, à une plus grande échelle, pour changer quoi que ce soit dans le système. La démocratie devient le système qui permet soit d'élire un gouvernement, soit un exécutif ou comité de pilotage, qui prend toutes les décisions, et déçoit trop souvent.

Habituellement, lors d'un vote démocratique, à n'importe quelle échelle, une minorité importante est mécontente du résultat. Et même si cette minorité accepte la décision prise, parce qu'elle accepte la « règle du jeu », elle résistera activement ou essayera d'atténuer les conséquences de cette décision jusqu'à la prochaine opportunité de vote.

Le compromis est une autre méthode pour prendre une décision, habituellement par la négociation. Deux parties, ou plus, annoncent leur position respective et la changent petit à petit, par des concessions mesurées. La négociation peut conduire à une insatisfaction des deux parties, car personne n'est totalement satisfait.

A côté de ça, le consensus est un moyen de prendre une décision qui fait appel à la créativité de chacun. C'est un processus dans lequel aucune décision ne peut être prise tant que tous les participants ne l'acceptent. Ca peut être long à mettre en place, car le consensus est le produit patient de toutes les meilleures idées et volontés dans un groupe, dans un esprit de cohésion et d'équilibre. Les minorités sont entendues au cours du processus, et pas seulement à la fin : la décision est élaborée collectivement.

Mise en place du processus

Il y a de nombreuses façons pour trouver un consensus, mais nous vous proposons cette procédure simplifiée, pour comprendre les mécanismes.

  1. Le problème, ou la décision à prendre, est défini et nommé. Cette étape préliminaire aide à séparer la problématique à traiter des enjeux personnels.
  2. Faire fuser toutes les solutions possibles (brainstorming) pour résoudre le problème ou répondre à la question. Les écrire toutes, même les plus folles.
  3. Se réserver un moment dans le processus pour les questions diverses et la clarification de la situation.
  4. Discuter et débattre des propositions écrites, les modifier, les regrouper, et en faire une liste, la plus courte possible. Lesquelles sont les préférées du groupe ?
  5. Bien expliquer toutes les propositions, et leurs différences pour que tout le monde comprenne bien (on peut utiliser là l'ancienne méthode qui consiste à donner un temps égal à quelqu'un qui est pour et quelqu'un qui est contre la proposition pour s'exprimer).
  6. Discuter les « pour » et les « contre » de chaque proposition. Faire en sorte que chacun puisse s'exprimer (tour de table, petits groupes...).
  7. S'il y a une opposition majeure, recommencer au point 6. Il est parfois nécessaire de recommencer au point 4.
  8. S'il n'y a pas d'opposition majeure, faire état de la décision et voir s'il peut y avoir un accord.
  9. Reconnaître les objections mineures et incorporer des petits amendements.
  10. Discuter de la proposition, et vérifier le consensus.

Le droit de veto

Le droit de veto, détenu par chacun sur une proposition du reste du groupe, est la pierre angulaire de la méthode du consensus. La « permission » de chaque membre du groupe est indispensable pour prendre une décision, c'est pourquoi écouter et répondre à tous les participants et prendre en compte tous les avis devient la préoccupation du groupe dans son ensemble.

Ce qui fait que le résultat n'est pas seulement un groupe plus égalitaire, mais aussi un groupe plus « satisfait », dans lequel chaque membre a une chance de se sentir important au sein du groupe. Les responsabilités sont mieux partagées, les membres sont plus réceptifs aux autres, et l'envie de faire des choses ensemble est partagée. Le veto sur une proposition qui a demandé de longues discussions et une synthèse ardue est un acte sérieux. Il peut être fait en ayant bien pesé le pour et le contre, comme un ultime recours, sur des bases éthiques, ou à cause des conséquences qu'une décision peut avoir. Il peut aussi être fait à cause d'une émotion forte (peur, dégoût), mais en aucun cas à cause de préférences personnelles ou d'impulsions égocentriques.

Quand la prise de décision a fait son chemin, prenant en compte des opinions diverses, se modifiant, et que quelqu'un est toujours en désaccord avec la solution trouvée, il y a d'autres formes que le veto à envisager, qui ne contrent pas le processus. Par exemple, ne pas soutenir une décision : « Je ne ressens pas le besoin de ça, mais je peux quand même participer ». Ou encore rester réservé : « Je pense que ça peut être une erreur, mais je peux l'assumer ». Ou ne pas s'impliquer : « Je ne participerais pas, mais je n'empêcherais pas les autres de le faire ».

Dans certaines descriptions du processus de prise de décision par consensus, la notion existe que quelqu'un qui sent le besoin de faire un véto sur une proposition devrait envisager de se retirer du groupe, au moins pour un temps. Or, cette idée tend à l'inverse extrême du but de la méthode : plutôt que d'encourager l'inclusion des opinions et des souhaits de tous, ceux et celles qui ont une opinion minoritaires risquent de se sentir obligés de s'exclure du groupe. L'eventualité d'une exclusion du groupe est, pour certains, un mécanisme tout à fait opposé au principe d'inclusivité de la méthode de consensus, tendant à exclure ceux et celles qui sont non-conformistes, plutôt que d'encourager les critiques envers l'opinion majoritaire.

Les prises de décision par nombreuses communautés virtuelles, comme celles de la Wikipédia, souvent suivent ce type d'approche.

Liens externes

Source : Prise de décision par consensus et Consensus (Wikipedia).

Pensée de groupe

La pensée de groupe ou GroupThink est un terme inventé par Irving Janis en 1972. Le terme décrit le processus selon lequel un groupe peut prendre de mauvaises décisions ou des décisions irrationnelles. Dans une situation de pensée de groupe, chaque membre du groupe essaye de conformer son opinion à ce qu'il croit être le consensus du groupe. La conséquence en est une situation dans laquelle le groupe finit par se mettre d'accord sur une action que chaque membre du groupe croit peu sage.

La définition originale de Jarvis est :

a mode of thinking that people engage in when they are deeply involved in a cohesive in-group, when the members' strivings for unanimity override their motivation to realistically appraise alternative courses of action.

Le terme rappelle ceux utilisés par George Orwell dans 1984, tel que DoubleThink et NewSpeak.

Autre terminologie: Décisions absurdes.

La pensée de groupe se produit généralement lors de réunions de groupe.

Parmi les mécanismes utilisés par les managers, il est suggéré de placer la responsabilité et l'autorité de la prise de décision finale dans les mains d'une seule personne, vers laquelle les autres se tournent pour avis.

Une autre option consiste à pré-sélectionner une personne qui aura le rôle de s'opposer à toute suggestion présentée, aidant ainsi les différents membres du groupe à présenter leurs propres idées, et mettant en évidence les défauts de raisonnement des autres. L'identification du rôle de cette personne permet de limiter la stigmatisation associée avec le fait d'être le premier à prendre une position négative.

Une autre solution est celle consistant à mettre à disposition un moyen de réponse (feed-back) anonyme (boîte à idée, discussion anomyme en ligne). Les points de vue négatifs ou dissonants pouvent ainsi être exprimés sans que l'individu soit identifié. De cette façon, le capital social du groupe est préservé, puisque tous les membres du groupe ont autant de chance d'être à l'origine du désaccord.

A noter que la pensée de groupe, prenant le pas sur la personnalité de l'individu, trouve son parallèle, sous forme souvent exacerbée, dans les effets de foule.

Voir aussi : Les décisions absurdes.

Source : Wikipedia.